Après la belle surprise qu’était La Main (Talk To Me), les australiens Michael et Danny Philippou reviennent avec Substitution (Bring Her Back). Second film d’horreur peut-être un peu plus codifié, le duo RackaRacka confirme son talent par une viscéralité et une mélancolie constamment incarnées.
Substitution (Bring Her Back en VO) est une énième sortie horrifique d’une année 2025 riche en surprises. Pourtant, il s’agit du second long-métrage de Danny et Michael Philippou, duo de frangins originellement connus en tant que les youtubers RackaRacka et leurs vidéos pop-culture parodiques et cultes. Talk To Me avait ainsi créé la surprise, usant d’un high-concept exploité avec ludisme et incarnation. Un vrai ride donc, mais dont on attendait la confirmation via un second film.
Les Philippou restent donc dans le genre de l’horreur, mais dans un enrobage beaucoup plus dramatique cette fois (toujours chez A24 on pense aux premiers Ari Aster). Substitution débute alors que Andy (ado rebelle de 17 ans) et Laura (sa sœur adoptive aveugle) découvrent avec effroi la mort de leur père. Ils vont ainsi être recueillis par Piper (Sally Hawkins), une ex-psychologue travaillant en centre d’accueil, et qui est également rongée par le deuil.

En effet, sa propre fille Cathy (également aveugle) s’est accidentellement noyée dans la piscine à l’extérieur de la maison. Pour autant, quelque chose cloche derrière les bonnes manières outrancières de Laura : un mystérieux cercle est peint pour entourer la bâtisse isolée, Piper fait l’objet d’un confondant favoritisme, et la présence d’un autre enfant complètement mutique au sein de cette nouvelle famille ont de quoi interpeller Andy.
Horreur dans la rancœur
De ce canevas, les Philippou déroulent une inquiétante étrangeté certes assez balisée compte tenu du background initial, mais qui a le mérite de trouver son ancrage dans des problématiques émotionnelles réalistes. Sans une seule once de fantastique ni jumpscare, Substitution nous tient par pure anxiété anticipatoire. Centrant sa caméra sur le point de vue d’Andy (Billy Barratt très bon), le récit essaime ici et là tout un regard curieusement authentique sur un déboussolement lié à la perte de repères familiaux.

Tel un home invasion inversé, c’est le protagoniste qui doit trouver sa place et affirmer sa singularité dans un environnement nouveau : tout est en apparence accueillant, mais rapidement la machinerie coince. Et si les Philippou tiennent avec une maturité certaine tout cet aspect thriller psychologique, c’est véritablement dans sa 2e partie que Substitition affiche toute son identité pour embrasser une horreur brute de décoffrage.
Une horreur qui s’insinue par la violence graphique, alors que les réalisateurs n’hésitent pas à mettre mal à l’aise le spectateur via un excellent sound design. On regrettera cependant que la nature surnaturelle de la menace ait été introduite via un fusil de Tcheckhov un peu sommaire (des images de snuff movie sataniques), car pour le reste, Substitution tire sa force d’une insondable mélancolie confinant à la catharsis émotionnelle.
Graphique et psychologique
Jusqu’où sommes-nous prêts à sombrer par amour pour contrer la mort d’un être cher ? Telle est la question que Bring Her Back pose pour construire son concept horrifique, toujours au service d’un traitement viscéral du deuil compliqué. Dépourvu de jump scares, le film s’attaque avant toute chose à nos tripes et à notre sensibilité pour nous bousculer : ce faisant, les Philippou s’avèrent maîtres de séquences malaisantes au possible (en particulier celles impliquant le jeune Jonah Wren Philipps, résolument méconnaissable en possédé mastiquant tout ce qui lui passe par la main), mais dont les rares irruptions sanglantes restent au service du trauma des personnages.

Passé un retournement de situation couillu (et bien amené!), Substition offre tout l’espace nécessaire à l’excellente Sally Hawkins de briller via une performance aussi complexe que maîtrisée…pour un rôle aussi détestable que troublant via la promiscuité cognitive que l’on pourra ressentir vis-à-vis de son parcours. Un arc narratif réussi (le premier plan répondant au dernier) qui illustre à merveille la qualité d’écriture de Bring Her Back. Mise en scène chiadée, photographie léché, acteurs très bien dirigés, script travaillé…. un second film qui tient de la franche réussite tout simplement !
Substitution sortira au cinéma le 31 juillet 2025
avis
Avec Substitution (encore un mauvais titre VF après "La Main"), le duo RackaRacka confirme son talent de metteurs en scènes capables de compter dans le paysage horrifique contemporain. Moins ludique mais plus mélancolique, cette seconde incursion dans le genre s'avère à la fois maîtrisée dans sa dimension graphique viscérale, mais également dans son aspect psychologique plus désenchanté. Pas de doute, de nouveaux cinéastes sont là !