Très inspirée de Mr Robot mais transposée à l’université française, Stalk nous offre deux saisons diablement maîtrisée, qu’on a suivi avec un voyeurisme addictif !
Bizuté lors de la soirée d’intégration à l’ENSI de Lille, Lucas, aka Lux, va alors stalker tout le campus pour se venger d’être devenu la risée des réseaux sociaux. Diffusée sur France TV Slash et récemment sur SALTO, Stalk s’articule en deux saisons (pour l’instant) particulièrement réussies. Si elle n’arrive pas à la cheville de Mr Robot, franchement aucune ne le peut, on note évidemment de belles références à la série de Sam Esmail dans ce techno thriller à la française et cette plongée dans le hacking étudiant est diablement rafraichissant.
Créée, intégralement réalisée par Simon Bouisson et co-écrite avec Jean-Charles Paugam, Stalk se compose donc de deux saisons, de 10 épisodes d’une trentaine de minutes chacune. De quoi nous proposer un teen drama, codifié mais non moins attrayant, à des années lumières de Skam, pour un résultat lorgnant avec intérêt sur The Social Network, parfois cheap, mais toujours efficace.
Domo arigato Mr Esmail
Si le show excelle dans sa narration et sa mise en scène du piratage de la vie privée, on y reviendra, quelques défauts ternissent malheureusement le joli tableau alors autant les passer rapidement en revue avant de s’attarder sur ce qui fait de Stalk une belle série.
Plus accessible que le discours nihiliste et révolutionnaire de Mr Robot, la série de Silex Films ne tente jamais d’ancrer son intrigue dans un parallèle avec la société actuelle, si ce n’est pour dénoncer l’omniprésence des réseaux sociaux et des smartphones. Ainsi, le hacking, le pitch de base du show, fait pâle figure sous les doigts de Fernandez par rapports à ceux de Rami Malek. Moins réalistes, les lignes de codes s’empilent gracieusement et graphiquement tout en paraissant beaucoup plus artificielles. Et puis coder sur mac, non mais allo ? De même, les rapports entre les jeunes de l’université tentent un peu vainement de reprendre un schéma d’alliés et d’ennemis sans que l’on soit convaincu par le traditionnel bully de la bande ou le bouc émissaire du campus. Les personnages sonnent parfois très clichés, tant dans leur écriture que dans leur réaction et sortent du contexte étudiant pour tenter de se placer en jeunes adultes indépendants, ce qui semble prématuré. Mais on chipote.
On chipote parce que globalement, le show étudiant se défend très bien, en faisant du paysage universitaire un labyrinthe où se perdent stalkers et stalkés dans un environnement qui deviendrait presque claustrophobique. Salle d’amphi, chambre du CROUS ou le bar (avec wifi) du coin, tout décors se prête à défiance et à malaisance. Vous remettrez également un petit bout de scotch sur vos smartphones après avoir regardé la série. L’ambiance presque en huis-clos ouvert de la série permet aux personnages d’évoluer au sein d’une petite famille anxieuse, forcément dominée par les meilleurs acteurs du show. Théo Fernandez est ultra crédible en hackeur introverti, Carmen Kassovitz de son côté nous joue une Alma tout en nuance même si quelques difficultés de jeux viennent assombrir un peu sa performance, Aloïse Sauvage est parfaite et Clément Sibony trouve ici un rôle du gourou qui lui va à ravir.
Pour ce qui est de la mise en scène, la série fait un sans faute. D’abord, notons le travail incroyable fourni par les musiciens Paul Sabin et Yeuz qui nous offre une OST composée d’electro minimale pour accentuer l’emphase du nerd contemporain et l’aspect moderne de ces nouveaux mordus de technologie. Les drops des tracks marquent chaque cliffhanger ou chaque rebondissement avec un effet dramatique pertinent mais toutefois un peu prévisible, comme pour appuyer logiquement où il faut regarder, là où ça fait mal, là où c’est important. Les sons électroniques sont d’ailleurs très référencés à ceux de Atticus Ross & Trent Reznor pour bien faire de Stalk un techno-thriller héritier de The Social Network, se rapprochant du style de Fincher, reproduire la forme proposée par Sam Esmail aurait été en effet un peu trop présomptueux.
Ainsi, traduire le code informatique n’est jamais simple, mais la série prend le parti d’intégrer la sacro-sainte voix-off comme principale focalisation de sa narration. Si filmer un ordinateur n’est jamais très flatteur pour les mirettes, même si Fincher prouverait le contraire, on parvient ainsi à suivre les pensées hachées et dactylographiées du protagoniste avec aisance et empathie. L’urgence des situations, des hacks, des stalks est donc traduite par un jeu de double dialogue, celui affiché publiquement lorsque parle Lucas, et celui en off, menaçant, dicté par Lux. Une ambivalence alléchante qui galvanise l’aspect schizophrénique du show également plebiscitée par des jeux de décentrements ou une alternance entre travelings insidieux et caméra à l’épaule plus chaotique. Du beau boulot !
Très référencée aux mastodontes du genre, Stalk parvient quand même à exister individuellement, en offrant à ses voyeurs de spectateurs une intrigue contemporaine et follement addictive qu’on espère voir renouveler.