Film préféré de son acteur et producteur, Kirk Douglas, décédé il y a peu à l’âge vénérable de 103 ans, Seuls sont les indomptés est une pépite cinématographique qui vient de faire l’objet d’une nouvelle sortie en dvd/blu-ray, éditée par Sidonis Calysta.
Quand on pense à l’âge d’or d’Hollywood, on s’imagine facilement la figure mythique du cow-boy solitaire. Ce mythe cinématographique d’antan disparait inlassablement à l’aube d’une grande révolution culturelle : les 60’s. Changement de génération, luttes sociales, arrivée de l’écran de télévision dans chaque salon… Bref, un vent nouveau dont Seuls sont les indomptés est, aussi bien consciemment qu’inconsciemment, le parfait témoignage.
Portant à bout de bras ce projet (adapté d’un roman d’Edward Abbey), Kirk Douglas s’entoure d’une fine équipe : Dalton Trumbo au scénario, l’expérimenté mais méconnu David Miller à la réalisation, l’inimitable Walter Matthau en shérif blasé par la vie, Gena Rowlands en femme au foyer blasée par les hommes et enfin bien entendu… Lui-même, le légendaire Kirk.
L’histoire d’un mythe en voie d’extinction
La grande force du film réside dans son récit, bouleversant et viscéral. En simplifiant, il raconte le destin d’un véritable cow-boy en lutte contre une époque qui ne lui ressemble pas… Car on est en 1960. 100 ans auparavant, il aurait parcouru les terres désertiques de l’Ouest sans se soucier de chevaucher sur une propriété privée ou d’être poursuivi par un hélicoptère. Mais ça c’était avant. Maintenant, c’est un animal errant et en voie de disparition, observé comme une bête de foire par ses contemporains qui le méprisent ouvertement.
Tout est barrière pour le personnage de Douglas, John W. Burns : les routes, les barbelés qui démarquent les terrains, les barreaux de la prison, la cime de la montagne… Chaque pas qu’il fait l’amène directement vers une nouvelle barrière. L’homme libre et sauvage qu’il incarne n’a tout simplement aucun endroit où aller. Encore une fois, comme ce fût le cas à de nombreuses reprises dans la carrière de l’acteur (Les sentiers de la gloire pour n’en citer qu’un), Douglas aime les personnages forts et complexes, victimes d’une société déshumanisante. D’ailleurs, il interprète le rôle admirablement bien, lui apportant fougue et intelligence.
La veine crépusculaire
Par bien des aspects, on peut accoler à Seuls les indomptés l’étiquette « western crépusculaire », un sous genre à part entière qui englobe aussi bien la fin de carrière de John Ford (L’homme qui tua Liberty Valance, 1962) que les films de Sam Peckinpah (La Horde sauvage, 1969). Mais l’œuvre de Miller fait surtout penser aux Désaxés de John Huston sorti à peine une année plus tôt et qui représente le film malade par excellence avec des personnages en parfait décalage avec leur époque. Ce sont deux films qui montrent la métamorphose de la société américaine et donc, par ricochet, d’Hollywood. Cette période charnière, si souvent méconnue par rapport au renouveau du cinéma américain à la fin des années 60, possède pourtant parmi les plus belles œuvres de l’histoire du 7e Art.
Une réalisation à la croisée des chemins
On raconte que le légendaire acteur fût mécontent du travail Miller et qu’il s’est vanté avoir quasiment réalisé le film tout seul. Néanmoins, connaissant l’égo du monsieur – qui a également fait virer le réalisateur Anthony Mann de Spartacus – il semblerait que cela soit une exagération. Pour un film de 1962, David Miller ne révolutionne rien mais signe néanmoins une mise en scène soignée à cheval entre un style purement hollywoodien – des scènes d’intérieur filmées le plus académiquement possible – et une réalisation ancrée dans son époque – avec des fabuleuses scènes en décor naturel qui laissent place aux aléas du réel. Une œuvre hybride qui trouve son apogée dans ses dernières minutes qui ne laissent pas indifférent.
En soi, Seuls sont les indomptés s’impose inévitablement comme un pur classique du cinéma américain à découvrir de toute urgence !