Kate Dolan est une cinéaste d’origine irlandaise. Elle développe son premier court-métrage en 2014, Little Doll, qui sera présenté au Festival de Berlin deux ans plus tard. Elle travaille en parallèle sur la réalisation de films publicitaires et de vidéos-clips, tout en signant d’autres courts. Catcalls par exemple, a remporté en 2018 le prix du meilleur court-métrage au Young Director Ireland Awards. L’année suivante, elle est classée parmi les principaux créatifs émergents irlandais de moins de trente ans. Samhain est son premier long-métrage.
Samhain se déroule la semaine précédant Halloween. Angela (Carolyn Bracken), la mère de Char (Hazel Doupe), a inexplicablement disparu. Lorsqu’elle revient chez elle le soir suivant, Char et sa grand-mère Rita (Ingrid Craigie) comprennent que quelque chose ne va pas. Elle a la même apparence, la même voix, mais son comportement est de plus en plus effrayant, comme si elle avait été remplacée par une force malveillante…
Samhain est un évènement religieux. C’est une période de fête dont l’acmé se situe aux environs du 1er novembre. Elle correspond à peu près au Halloween anglo-saxon. Rempli de mythes et légendes anciennes, Kate Dolan imprègne son film d’une dimension surnaturelle et fantastique. Dès lors, le folklore sert d’outil d’écriture et de mise en scène.
Un portrait familial universel
Samhain nous projette au sein d’une situation familiale compliquée. Tandis que la jeune héroïne se révèle autonome et mature pour son âge, la figure maternelle se laisse découvrir en arrière-plan. La cinéaste révèle une silhouette cachée dans le noir sous la couette, dans un plan surcadré par une porte. Ce type de cadrage est omniprésent concernant la mère, surtout lors des champ contre-champ entre la mère et la fille.
La réalisatrice n’hésite pas à se servir du décor au service de sa mise en scène. La photographie permet d’imager son isolement, son enfermement et la distance vis à vis du reste de la famille. On peut d’ailleurs parfois se faire surprendre par la cinéaste, qui donne à voir l’illusion de plans au travers de miroirs. Ceux-ci prennent une dimension allégorique d’un autre monde, d’une autre dimension. Elle enfonce le clou en matérialisant le véritable éloignement de la mère face au reste du monde.
Malgré un folklore omniprésent, le surnaturel est à peine utilisé au travers du récit. Samhain prend une tournure hyper réaliste et le peu de fantastique devient encore plus impactant. Kate Dolan renforce cette notion de rupture et de frontière entre fiction et réalité, tout en traitant le sujet des conflits familiaux.
Le film peut se lire comme une métaphore d’une dépression, d’un deuil familial. La réalisatrice raconte la destruction mentale d’une figure maternelle et ses différents impacts au sein d’un cercle familial. Les scènes d’horreur prennent place dans un monde crédible, filmé au travers d’une photographie naturaliste. Le fantastique nous surprend, nous choque encore plus, rapprochant Samhain plus drame que l’horreur.
Un film bien dosé
Kate Dolan propose une mise en scène mélangeant peine et effroi. La cinéaste s’amuse des pays off par le biais d’une mise en scène intéressante. Tandis que la danse permet de réunir les personnages, elle sera également l’outil d’une rupture terrifiante. Les notions de contraste entre les scènes est omniprésent et permet un véritable levier dramatique au service de rebondissements intéressants et inattendus.
Samhain est un film mature, qui ménage ses effets sans jamais devenir un grand spectacle prétentieux. Le peu d’éléments graphiques marque encore plus l’esprit, notamment grâce à un découpage et un montage des scènes intelligent. La réalisatrice n’hésite pas non plus à faire de véritables ruptures de rythme par le biais d’ellipses surprenantes. Celles-ci interviennent à des moments clés du récit, au service du développement de l’évolution des personnages et de leur relation.
Une sous-intrigue bancale
Kate Dolan n’hésite pas à élargir son sujet, en traitant les conséquences sociales d’une famille compliquée. Char (la jeune fille), harcelée, se retrouve dans un perpétuel double je(u). Samhain traite une sous-intrigue liée au harcèlement scolaire, avec un peu de moins de finesse. On a du mal à saisir les véritables motivations des antagonistes – malgré une logique liée au thème du harcèlement – mais on a surtout du mal à comprendre l’évolution de certains personnages.
Suzanne (Jordanne Jones) est par exemple présentée comme une antagoniste. Puis, son personnage connaîtra une évolution majeure, la transformant en tant que sidekick de l’héroïne. Elle devient d’une certaine manière un ressort narratif dont on aurait pu se passer.
Une belle proposition
Ce qui est sûr, c’est que pour un premier film, Samhain est une réussite. Il est malin et Kate Dolan s’amuse avec son sujet au travers d’une mise en scène ludique et terrifiante. Le drame réaliste rend l’horreur encore plus palpable et saisissante. La cinéaste propose un film personnel, joli et globalement réussi.