Jean Luc Herbulot est un réalisateur et scénariste franco-congolais. 2019 marque les débuts du cinéaste avec son premier long-métrage, Dealer, présenté au Festival Fantasia à Montréal en 2014. En 2019, il cofonde avec Pamela Diop la société de production LACME STUDIOS afin de soutenir le cinéma africain. Saloum est son second long-métrage.
L’histoire de Saloum se déroule en 2003. Trois légendaires mercenaires des Hyènes fuient un coup d’Etat en Guinée-Bissau et doivent cacher leur magot et protéger un baron de la drogue. Le trio est contraint de se réfugier dans la région mystique du Saloum, au Sénégal.
Malgré un synopsis de thriller plutôt classique, Jean Luc Herbulot présente un long-métrage découpé en deux parties. La structure dramatique est similaire à Une nuit en enfer de Robert Rodriguez, avec un basculement total d’un genre à un autre. L’élément déclencheur met finalement environ trente minutes à arriver, et pourtant, Saloum nous tient en haleine. Jean Luc Herbulot dévoile une réalisation sportive. La caméra épaule est omniprésente, le montage enchaîne les cuts sur le rythme d’une bande originale lumineuse. Le film développe aussi sa propre charte graphique, avec des séquences entrecoupées de cartons d’indications géographiques, contextuels, informatifs. On ressent une véritable force et nervosité au travers de tout le long-métrage, pour le meilleur et pour le pire.
La lisibilité du film
La rythmique du montage et de l’intrigue contribue aux quelques doses d’humour qui jonchent le récit. On s’ennuie peu, jusqu’à ce que Saloum bascule vers le fantastique. Afin de rester assez vague, les personnages sont traqués par une présence mystique. Le souci majeur, c’est le design. Il est très peu visible et très rapide. On peine à deviner quelles sont ces choses et le montage nous empêche de les distinguer. Le découpage reste pourtant en cohérence avec le reste du long-métrage à la limite du film d’action, mais les scènes perdent de leur intensité. Le visible ne l’est pas vraiment, le fantastique est extrêmement vite installé et on n’a pas le temps d’avoir peur (mais on ne va pas refaire le film tout entier).
Jean Luc Herbulot propose un long-métrage personnel dans sa réalisation. On retient une mise en scène plutôt astucieuse, avec par exemple une scène de dîner mélangeant langue des signes et langue orale. Le réalisateur crée alors une véritable scène de tension en donnant certaines informations clés à certains personnages, un quiproquo bien amené et bien construit.
Saloum possède également une ribambelle de personnages, tous ayant une forte personnalité. L’alchimie au sein du groupe donne beaucoup de vie au film et permet un perpétuel effet de ping-pong entre eux. Le travail des costumes est également notable, contribuant au développement de l’univers et des niveaux hiérarchiques entre les protagonistes.
Parfois too much
Saloum frôle pourtant à certains moments le film nanardesque. Le fantastique s’efface et laisse place à des scènes d’actions pas assez lisibles. Le montage frôle le too much, trop découpé, trop explosif. Il gâche parfois une mise en scène et une intrigue qui auraient mérité un développement plus mystique et inquiétant. Le folklore arrive trop brusquement et s’explique au travers d’un dialogue un peu flou, sans vraiment aller plus loin. Le fantastique devient alors une excuse aux scènes d’actions, plutôt que d’être un véritable outil narratif.
Le néo-western fantastique africain
Malgré ses quelques imperfections, le film est important pour son auteur et pour tout le monde. Le réalisateur franco-congolais a su créer des héros africains qui souvent – malheureusement – manquent à l’écran. On sent un véritable investissement dans l’écriture des dialogues, dans la direction d’acteur et surtout dans les intentions de réalisation. Saloum est une véritable proposition de cinéma fantastique, mettant en valeur l’Afrique par ses magnifiques paysages, et surtout par ses artistes investis, dévoués et talentueux. Dommage que le projet ne soit pas à la hauteur de l’initiative.