Running Man revient dans une adaptation plus fidèle du roman culte de Stephen King, sous la forme d’un film d’action satirique chapeauté par Edgar Wright (Shaun of the Dead, Scott Pilgrim, Baby Driver). Porté par un Glen Powell tout en charisme, le résultat est à la fois réjouissant, mordant, inconstant et ambivalent !
« Running Man a droit à un remake » s’exclamera le plus sanguin des cinéphages. Car oui, le roman culte de Stephen King datant de 1982 a eu droit à une première adaptation officielle avec Arnold Schwarzenegger en 1987, pour un résultat cruellement oubliable. Mais surtout, cet actioner dystopique dérivait complètement du matériau de base, justifiant ainsi qu’une nouvelle version plus proche des écrits originels voient le jour.
Un projet de longue date pour le réalisateur Edgar Wright, connu pour ses films pop absolument irrésistibles (Shaun of the Dead, Hot Fuzz, The World’s End, Scott Pilgrim…). Un petit génie de la mise en scène hyperkinétique dont le style collait parfaitement avec son simili-blockbuster musical qu’était Baby Driver. Mais là où cette réalisation régulièrement virtuose nous offrait de réels moments de cinéma incarné dans Last Night in Soho, ce dernier film traduisait également une inconstance narrative derrière le vernis giallo brillant.
Retour aux bases
Running Man est ainsi un nouveau pari pour Edgar Wright, étant chef d’orchestre d’un blockbuster censé traduire à l’écran toute la charge socio-politique du roman (plutôt noir et désenchanté) de Stephen King (Marche ou Crève). Des velléités artistiques plutôt perpendiculaires au premier abord, d’autant que cette mouture se veut également un film d’action !

Pourtant, Running Man débute avec une réelle maîtrise dans ces variations de ton, en suivant fidèlement la trame du bouquin : nous sommes en Amérique dans un futur proche. Les riches sont très riches, les pauvres très pauvres, et l’intégralité des citoyens ont leur regard tourné vers des écrans passant en boucle spots publicitaires, émissions de TV réalité et jeux télévisés morbides.
C’est dans ces conditions que Ben Richards (Glen Powell), un employé à nouveau licencié, se lance en tant que candidat dans l’émission la plus dangereuse qui soit : le Running Man ! Une compétition où le challenger doit survivre un mois tout en étant traqué à mort par une équipe de chasseurs. Un lot d’un milliard de nouveaux dollars est à la clé, sachant que n’importe quel quidam peut également tuer un participant dans le but d’obtenir une petite somme !
Entrée en matière dystopique
Le métrage d’Edgar Wright respecte donc clairement le point de départ de Running Man, prenant le temps d’établir son héros avec un réel enjeu émotionnel : ce dernier fait tout cela dans le but d’acheter le traitement adapté pour sa fille atteinte d’une grippe virulente potentiellement mortelle. Tout le contexte de dystopie totalitaire est alors impeccablement établi, alors que Ben se dirige vers les locaux du Network tenu par Dan Killian (Josh Brolin également truculent en antagoniste).
Dans un long générique introductif sur le son funk d’« Underdog » par Sly and the Family, Edgar Wright parvient à un étonnant jeu d’équilibriste entre ambiance décontractée typique de sa sensibilité, et ambiance dystopique plus sinistre capturant des dérives sociétales toujours autant d’actualité. Ce sera d’ailleurs particulièrement probant lors d’hilarants passages impliquant une parodie des Kardashian, ancrant la satire dans une réalité pas si éloignée de la nôtre..

Running Man traduit donc avec rire jaune tout l’aspect borderline d’un monde de l’entertainment et des médias gangrenés par une quête du sensationnalisme. Tel un circuit de la récompense où les spectateurs, pris dans l’illusion de participer à un dessein plus grand, reçoivent leur shot de dopamine dans des programmes de plus en plus borderlines. Le film retranscrit tout cela avec toute la force lubrique de Wright, parfaitement encapsulée dans une performance volcanique du toujours excellent Colman Domingo en présentateur showman.
Running Glen Powell
Malgré un départ plutôt drastique avec le roman-source, ce Running Man respecte (globalement) la feuille de route de King dans son déroulé, accentuant la rage d’un Glen Powell résolument parfait en Ben Richards. L’acteur affiche ainsi son charisme déjà connu, tout en étant complètement crédible en Action Man gardant toujours un ancrage réaliste de monsieur-tout-le-monde (le réalisateur citant forcément Die Hard en influence!).
Une profession de foi qui trouve son acmé dans une séquence d’action rondement menée au sein d’un building encerclé de sbires : Wright use alors efficacement de la topographie du lieu sur plusieurs étages, de la tension émanant du jeu du chat et de la souris ambiant, du comique de situation (un Glen Powell tout en muscles et nu faisant de l’escalade) et d’une conclusion explosive.

Un petit morceau de bravoure, avant que Running Man n’empreinte un malheureux chemin ponctué de péripéties agencées de manière téléphonées : d’une fuite caché dans le coffre d’une voiture ou d’une séquence à la Home Alone avec Michael Cera (orchestrée comme celle de Tomorrowland avec moins d’idées), le film annihile toute tension potentielle au service de la légèreté et de la précipitation narrative.
Une adaptation qui a le ton entre deux chaises
Si bien que le sentiment de traque (et de paranoïa) du bouquin est complètement expurgé dans la seconde heure de cette adaptation, d’autant qu’aucun morceau d’action ne vient traduire la patte pourtant si caractéristique de son cinéaste. Du pilotage automatique qui n’a rien de déplaisant, mais qui desservirait presque la dénonciation principale du métrage, tandis que les morts et le danger sont filmées sans réel poids ou viscéralité.
Et alors qu’on divague à penser qu’un Verhoeven de la grande époque aurait fait de Running Man un chef-d’œuvre absolu, Edgar Wright revient asséner un coup de vis sur cet engrenage semblant dériver vers le consensuel, alors que le climax aérien (réussi) s’annonce. Ici, la dramaturgie reprend sa place au centre du récit, usant avec malice du GI Joe antagoniste interprété par Lee Pace.

Le jeu d’échecs mental laisse place à un pugilat plus musclé, dont les enjeux deviennent bien plus prenants et émotionnels. Une noirceur sous-jacente que Wright embrasse jusqu’à un certain point en ajoutant un épilogue beaucoup moins radical que prévu… mais qui a le mérite d’être cohérent dans son approche d’adaptation burnée.
Running Man réussit ainsi à transposer un message qui ne perd rien de sa force d’incarnation. Le tout en sacrifiant les éléments qui faisait la sève du cinéma de Wright. Pour une séquence explosive réussie en milieu de métrage (un simple tracking shot dans un couloir confine presque à la seule excentricité formelle du film), il faudra se contenter d’une action globalement lisible oui… mais montée sans musicalité ni réelle efficience d’enchaînement. Une petite déception donc, pour du Wright compétent mais en petite forme.
Running Man sortira au cinéma le 19 novembre 2025
avis
Running Man est un retour en petite forme pour Edgar Wright, sacrifiant son style et sa mise en scène au service d'un blockbuster beaucoup plus classique dans sa facture. La noirceur et la tension du roman de Stephen King ont beau également être amoindries dans une seconde heure plus précipitée narrativement, toute la charge satirique vis-à-vis du monde de l'entertainment se déploie avec efficacité, servie par l'interprétation tout en charisme enragé de Glen Powell. Pas trop mal, mais du Wright en petite forme !

