Présenté en Compétition officielle Long métrage au Festival International du Film d’Animation d’Annecy 2024, Rock Bottom de Maria Trénor est un film musical d’un autre genre.
Rock Bottom est inspiré de l’histoire du musicien Robert Wyatt et de sa compagne Alfreda Benge, une virée dans les années 1970 en pleine mouvance hippie. Le film s’attaque à un géant de la musique, le fondateur des Soft Machine, au moment le plus tragique de sa vie : l’accident qui l’a rendu paraplégique en 1973, alors qu’il tombait ivre mort du quatrième étage d’un immeuble. Malgré cette chute, il terminera son album Rock Bottom, une plongée dans les profondeurs de la mer et de l’âme.
Une virée en musique
Rock Bottom n’est pas un simple film musical mais l’illustration en images d’un album iconique. Un long-métrage qu’il faut à la fois voir et écouter en se laissant porter par les sonorités étranges des chansons – un mélange de rock, de jazz, de musique d’ambiance – et par les images psychédéliques inspirées directement du style hippie des années 70’. Rock Bottom est un voyage sensoriel unique, un merveilleux hommage à Robert Wyatt.
La musique de Rock Bottom ne s’arrête quasiment jamais, elle se fond dans l’image et influe sur son rythme, son mouvement, ses teintes. Dessins et sons ne font plus qu’un, ils vibrent ensemble dans une explosion de couleurs. Parfois, la musique est jouée par les personnages eux-mêmes, des virtuoses qui improvisent des “méta-chansons”, qui vont puiser leur art dans les confins de leur esprit, oubliant ce qui les entoure, s’abandonnant aux drogues et à leurs émotions.
Une histoire d’amour
Derrière cette balade musicale se cache une histoire d’amour tragique, celle de Bob et Alif. Ensemble, ils ont vécu la passion et la déchirure, la liberté et la dépendance, la création et la destruction. Ils s’accrochent l’un à l’autre, ils s’aiment à en mourir, si l’on peut dire.
Pour suivre leur amour, Maria Trénor nous fait naviguer entre New-York et Majorque, entre la ville et la nature. D’un côté les soirées dans les squats artistiques avec l’alcool, la drogue, le sexe ; de l’autre la campagne à l’herbe verte et à la mer bleu azur. Elle multiplie les séquences romantiques sous un ciel étoilé, cet espace infini où mer et ciel se rejoignent dans de multiples reflets. Bob et Alif dansent, nagent au fond de l’eau dans un ballet de corps qui rappelle étrangement l’une des pochettes de l’album de Robert Wyatt.
Une esthétique psychédélique
Rock Bottom est réalisé en rotoscopie, une technique d’animation qui consiste à dessiner par-dessus des séquences filmées en prises de vue réelles. L’image découle ainsi d’un étrange mélange entre fiction et réalité, comme si nous aussi, spectateurs, nous étions sous l’effet de substances psychédéliques, coincés dans une monde à la fois factice et réel. A cela s’ajoutent d’autres techniques qui brouillent encore plus les repères – aquarelle, peinture, prises de vue réelles – , l’image se déstructure et devient une sorte de parallèle visuel à l’histoire d’amour qui se délite.
L’ensemble du film a été conçu autour d’un jeu de lumière et de couleurs particulièrement travaillé. Dans un même dessin, les teintes chaudes et froides s’opposent et se complètent, elles forment un équilibre précaire contrebalancé par des séquences sous hallucinations. Tout à coup, les lumières se mélangent, les couleurs se multiplient et nous projettent dans un univers arc-en-ciel aux formes distordues et ondulantes.
Rock Bottom est une film hybride à la fois sonore et visuel qui a su s’approprier différentes techniques d’animation et la musique d’un artiste mythique. Une œuvre sur l’amour de l’art et de la création qui dépasse les simples limites du réel.
Rock Bottom est à découvrir au Festival international du film d’animation d’Annecy 2024 et prochainement au cinéma.
Avis
Rock Bottom est une expérience sensorielle qui vaut la peine d'être vécue, un film où son et images se rejoignent, où amour et création ne font qu'un. Une œuvre originale psychédélique à voir et à entendre en même temps.