Il y a des séances dont on se souvient comme si c’était hier, marquant notre esprit au fer rouge. Le précédent film du cinéaste chinois, Bi Gan, en fait partie : Un Grand voyage vers la nuit était monumental et hypnotique avec son plan séquence en 3D inoubliable. Vous imaginez donc l’attente qu’on avait pour Résurrection, présenté au Festival de Cannes 2025.
Paradoxalement complexe et simple à décrire, il est difficile d’expliquer le synopsis de Résurrection sans en retirer une partie de la magie du premier visionnage. Ce que l’on peut dire, c’est que le film fonctionne comme une anthologie de 5 (voire 6) courts-métrages qui raconte l’histoire du cinéma sur une période de 100 ans.

Somptueux et virtuose
Commençant par une brillante séquence de cinéma muet, au style empreint à l’expressionnisme allemand (Nosferatu de Murnau, Metropolis de Lang), Bi Gan impose d’emblée la richesse de sa mise en scène, référencée mais digérée, pour offrir une œuvre singulière. Cette entrée en matière sublime invite le spectateur à lâcher prise pour le reste du film, à profiter de cet instant d’onirisme et de temps suspendu où le langage cinématographique se développe petit à petit jusqu’à devenir une expérience totale. Chaque segment apporte une pierre à l’édifice artistique du cinéma à travers l’objectif du cinématographe, nom de la caméra des frères Lumière à l’origine du cinéma comme on le connait, et qui est directement référencé par la voix-off présente dans le récit.
Résurrection culmine dans un court-métrage dont seul Bi Gan a le secret : un plan séquence virtuose de près de 40 minutes qui, même s’il n’atteint pas le niveau de celui d’Un Grand voyage vers la nuit (probablement l’un des plus beaux plans séquences du cinéma), se révèle d’une fascinante complexité, où le point de vue passe avec aisance de l’objectif au subjectif et de l’intérieur à l’extérieur.

Une anthologie d’exception
Généralement, le problème d’une anthologie au cinéma réside dans deux aspects : un manque de liant narratif suffisamment fort pour maintenir l’intérêt et la cohérence du récit ; un déséquilibre de qualité entre les courts-métrages, certains étant souvent trop « faibles » par rapport aux autres. Or, Bi Gan évite magnifiquement bien ces deux écueils. En gardant le même personnage principal à travers les époques – même s’il n’a plus souvenir de ses vies antérieures – et du fait de la présence d’une introduction, d’une conclusion et d’une voix-off – explicative, mais qui n’appuie jamais trop le propos – qui emballent parfaitement l’ensemble, le liant narratif s’avère suffisamment costaud pour nous garder intéressés.
Certains pourraient voir en Résurrection une œuvre prétentieuse ou ennuyeuse. Comme d’habitude au Festival de Cannes, quelques « critiques » ont même eu des mots forts et souvent injustes. Oui, il y a une prétention évidente dans le film, on ne fait pas une anthologie sur l’histoire du cinéma sans ce paramètre. Mais Bi Gan, tels Stanley Kubrick ou David Lean, est à la hauteur de cette prétention. Son perfectionnisme, sa connaissance du cinéma, son génie de mise en scène, tout participe à être à la hauteur de ce qu’il souhaite accomplir. De plus, Résurrection n’a rien d’ennuyeux. Il est très bien narré, ne lâchant jamais le spectateur, lui donnant même de nombreuses explications pour le garder investi. Qui plus est, le long-métrage ne s’avère jamais cryptique (Un Grand voyage vers la nuit l’était bien plus), le cinéaste a fait un effort de tous les instants pour rendre accessible son œuvre et c’est indéniablement une réussite.

Plus que des mimiques de réalisateur sur-talentueux, Bi Gan livre ainsi avec Résurrection un long-métrage somme, aux atouts de chef-d’œuvre cinématographique indéniables. On en sort émerveillé et pétri d’émotions, prenant conscience de ce que l’on vient de voir. À l’heure où on pense que le langage cinématographique n’évolue plus, c’est tout simplement une piqûre de rappel qu’il est toujours possible de faire avancer le 7ème art. Étant donné qu’on a découvert ce chef-d’œuvre à l’occasion du Festival de Cannes 2025, on peut le dire sans mal : c’est notre Palme d’or.
Résurrection n’a pour le moment pas de date de sortie au cinéma. Retrouvez tous nos articles du Festival de Cannes ici.
Avis
On pourrait écrire des pavés sur Résurrection, mais parfois un peu de simplicité ne fait pas de mal : c'est un chef-d'œuvre. Virtuose, intelligent, hypnotisant, onirique, magique... Ce type de cinéma est si rare qu'on ne peut que remercier son cinéaste, Bi Gan, et son équipe pour cette œuvre d'exception. Au nom du cinéma : merci !