Rallumer les lucioles est un seule en scène tendre et poétique qui interroge la normalité et célèbre nos grains de folie.
Rallumer les lucioles est de ces spectacles qui viennent nous réconforter, nous prendre par la main pour nous montrer ce qui se cache de joli dans les aspérités de nos existences. Un joli moment qui nous réconcilie avec notre singularité.
« Quand je serai grande, je serai normale »
On aime bien quand un spectacle nous promet de la poésie dès son titre. Ce qu’on préfère encore, c’est quand la promesse est tenue. C’est vrai, quoi de plus poétique que des lucioles, ce coléoptère qui émet de la lumière et fait scintiller la nuit comme par magie ? Plus pour très longtemps malheureusement, la faute à la pollution lumineuse… En tout cas ici, et pendant 1h10, elles sont bel et bien là qui viennent envelopper nos ombres, toutes les ombres du monde, de leur lumière.
Ce seule-en-scène tendre, profond et drôle nous conte l’histoire de Lily, qui doit se construire entre une mère qui ne voit pas la vie comme tout le monde et un père qui, lui, ne la voit plus qu’à travers la télévision et sa dépression. Lily aime bien que sa famille « offre un foyer aux objets tristes » ou quand sa mère l’emmène le temps d’un week-end « prendre soin » de la maison d’inconnus pendant leur absence. Mais un jour, sa mère se retrouve enfermée « à la campagne », jugée « inadaptée ». Alors, Lily se fait une promesse : « Quand je serai grande, je serai normale. » Et elle compte bien tout faire pour y arriver et que ça leur rende la vie plus facile, à elle et à Carcasse, sa licorne imaginaire…
Retour à l’anormal
Rallumer les lucioles, c’est de l’enfance qui s’éternise, de la magie qui s’invente, des couleurs qui se glissent au beau milieu du noir et blanc. Et finalement une réalité, certes pas la même que celle de tout le monde, mais si on peut être heureux sans rentrer dans des cases après tout, qu’est-ce que ça peut bien faire ? Et si être soi pouvait suffire ? Pas si simple pour se faire aimer des autres… Mais Lily est prête à faire des efforts pour cocher toutes les cases d’une vie normale.
Le quotidien d’enfant de Lily est parsemé de moments déchirants, de situations qui serrent le cœur, d’instants d’amour manqués, mais qu’elle raconte toujours avec une naïveté enfantine qui la préserve et nous attendrit. C’est ce que sa mère a toujours fait après tout, prendre des morceaux de réalité et les tremper dans son imaginaire pour les rendre plus beaux, pour mettre de la magie dans l’air. D’ailleurs, « peut-être que pour papa, la Vodka c’est de la magie qui se boit ? » se raconte la jeune fille…
Rallumer les lucioles, une ode à nos folies douces
L’écriture, tout en finesse et poésie, nous promène habilement et délicieusement sur le fil des émotions, sans jamais nous faire basculer. Mais si l’ensemble fonctionne aussi bien, c’est aussi grâce à la présence, à la sympathie et au jeu sensible et généreux de Sandra Fabbri qui se déploie avec une belle énergie dans la mise en scène sobre de Bruno Banon.
Qu’est ce que la normalité au fond ? Qui en décide et où s’arrête-t-elle ? Qu’est-ce-qui fait qu’une peinture finira dans un musée, et une autre à la poubelle ? questionne-t-elle très justement. Rallumer les lucioles est un spectacle auquel on ne s’attend pas, qui vient nous attraper le cœur par surprise et nous donne envie de regarder les choses autrement, de nous reconnecter à l’émerveillement de l’enfance, de célébrer notre part de folie douce pour enchanter la vie qui en a tant besoin.
Rallumer les lucioles, de et avec Sandra Fabbri, mise en scène Bruno Banon, se joue au Théâtre de l’Optimist, du 29 juin au 21 juillet 2024 à 13h40 (relâche les mardis).
Puis à La Comédie des 3 Bornes, à Paris, à la rentrée.
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Avis
On s'attache très vite à Lily et à Carcasse, sa licorne imaginaire. Le sujet est grave, profond, mais abordé avec de la poésie, de l'espoir et beaucoup de lumière. Sandra Fabbri délivre un message qui fait du bien et nous donne envie de célébrer nos singularités.