Véritable phénomène lors de sa sortie fin 2022, Ponniyin Selvan Partie 1 fait déjà partie des plus gros succès du cinéma indien. Et alors que la Partie 2 du diptyque vient de sortir sur les écrans, il est temps de se pencher sur cette adaptation ambitieuse d’un classique de la littérature tamile : le récit historique et épique de l’avènement des Cholas !
Kalki Krishnamurthy aura publié Ponniyin Selvan en 1955. Ce classique de la littérature en langue tamil fait aujourd’hui figure de référence dans le sud de l’Inde, au même titre qu’un Macbeth de Shakespeare chez les anglo-saxons ou bien Le Comte de Monte-Cristo d’Alexandre Dumas chez nous. Il n’est donc pas bien étonnant que le cinéma indien se penche dessus pour adapter l’avènement du futur empereur Rajaraja I au trône.
Ponniyin Selvan : le dream project Tamil
Grosse production à plus de 60 millions de dollars, Ponniyin Selvan se veut un récit historique dense, tourné en 150 jours (un exploit compte tenu du résultat) et le « dream project » du réalisateur Mani Ratnam. Déjà derrière la trilogie sur le terrorisme composée de Roja, Bombay et Dil Se, Ratnal s’attaque donc pour la première fois au film historique d’ampleur.
Ponniyin Selvan prend donc place au sein de l’Empire Chola, à la fin du Xe siècle. Un empire s’étendant jusqu’aux Maldives et au Sri Lanka depuis près de 7 siècles. L’empereur Sundara Chozhar règne, tandis que ses deux fils Aditha Karikalan (l’aîné) et Arulmozhi Varman (le prince héritier dit « Ponniyin Silvan », soit « le fils de la rivière Ponni ») font la guerre aux territoires adjacents. Alors qu’une conspiration se prépare pour renverser le pouvoir établi (notamment le clan Pazhuvettaraiyar), Vallavaraiyan Vandiyadevan (commandant de l’armée) est envoyé à travers le territoire pour enquêter.
Se faisant, il fera la rencontre de la princesse Kundavai (la fille du roi Chozhar), de la mystérieuse Nadini (amour de jeunesse de Karikalan et conspiratrice de premier ordre) et de tout un tas d’autres personnages aux motivations troubles. La résultante est donc une aventure où les alliances et les coups-bas vont accoucher d’une lutte entre 2 alliances (les Cholas et les Padyans) pour l’accession au trône.
Jeux de trône
Rapidement, on se rend compte que Ponniyin Selvan peut être assimilé à un Game of Thrones indien, et la comparaison est emplie de sens. Le récit historique nous présente soldats, princesses, princes, ministres et autres bandits qui s’entrecroisent tout en étant motivés par le pouvoir ou l’amour. Chaque personnage a donc le temps d’être développé sur les 5h30 de film (chaque partie durant 2h45), et proposant de vraies nuances (en particulier les plus proches du trône).
On pensera en particulier au personnage de Nandini, campé par la superstar Aishwarya Rai Bachchan. Un personnage dont la beauté quasi surnaturelle offre la sous-intrigue la plus émotionnelle, et dont les fondements traumatiques sont exploités dans la Partie 2. Il est cependant dommage que la filiation de ce personnage fasse l’objet d’une double performance rapidement évacuée et survolée…
Le reste du casting n’est pas en reste, que ce soient Jayam Ravi et Vikram en princes de l’Empire Chola, R. Sarath Kumar en patriarche féodal ou bien Trisha dans le rôle de Kundavai. La douceur de cette dernière couplée à sa majesté offre d’ailleurs de beaux moments de complicité (et de début de romance chaste) avec Karthi, qui campe un Vandiyadevan dont on apprécie suivre les pérégrinations.
Véritable protagoniste de la Partie 1 (mais aussi de la Partie 2 qui a cependant un aspect plus choral), Karthi incarne un héros sarcastique et aventureux à l’ancienne, aussi adepte d’un humour caustique qu’enclin à trucider ses ennemis si nécessaire. Une performance emplie de chaleur et de spontanéité, pour un film qui n »hésite pas à mettre les moyens de son ambition à l’écran.
Péplum à l’indienne
Car outre son casting, Ponniyin Selvan affiche une reconstitution d’époque fastueuse, où la grandeur des paysages côtoie des centaines de costumes et accessoires, ainsi que des intérieurs riches en détails des cités de Kadambur ou bien la capitale Thanjavur. Si quelques plans d’ensemble profitent de CGI de bonne facture, la majorité des décors a été tournée de manière in situ, dans de vrais temples et autres habitats recréés pour un résultat tout à fait réjouissant. L’impression de voir un vrai péplum indien est présente, supportée par une mise en scène carrée et sans artifice.
Alors Mani Ratnam n’est pas S.S. Rajamouli sur Baahubali (ni même John Woo sur Les 3 Royaumes), et a parfois du mal à donner toute la fureur et la maestria requise aux scènes d’action. Heureusement, les scènes de bataille se veulent quand même violentes et efficacement chorégraphiées, aidés par un montage sec et bien sûr l’ampleur affichée via le nombre de figurants et de moyens directement visibles à l’écran.
Ratnam souhaite avant tout mettre l’emphase sur le côté humain, laissant finalement sa caméra se libérer lors d’échanges de dialogue ou dans l’introspection des personnages (via beaucoup de panoramiques circulaires). Une manière de donner du corps et de la chair supplémentaires, tandis que la Partie 2 se veut moins « fun » et joviale que la première (qui prenait aussi le temps de poser tous les pions), et plus dramatique.
Le Seigneur des Cholas
Un équilibrage réussi entre les 2 parties de Ponniyin Selvan donc, seulement entaché par un climax malheureusement trop vite expédié (10-15 minutes pour régler le sort de l’Empire Chola, c’est bien trop peu). Un manque de respiration jusque dans son épilogue, qui aurait réellement pu bénéficié d’une ouverture guidée par la mise en scène plutôt que par le verbe. Mais qu’importe, pas de quoi entacher l’entreprise globale de Mani Ratnam.
Au final, Ponniyin Selvan parvient non seulement à être une vraie adaptation réussie de ce classique Tamil, tout en étant un objet de cinéma tout à fait revigorant pour tout fan de film épique. La cerise sur la gâteau viendra en plus d’une très bonne BO signée le grand A.R. Rahman (que l’on connait en Occident avec son Oscar pour la Slumdog Millionnaire). Une vraie bonne pioche donc, que le reste de l’industrie devrait en exemple de fresque historique tout à fait réussie !
Ponniyin Selvan – Partie 2 est sorti au cinéma le 28 avril 2023, et arrivera plus tard sur Prime Video.
avis
Malgré quelques heurts narratifs secondaires et un certain manque de sophistication dans l'assemblage de ses scènes de bravoure, Mani Ratnam réussit sonadaptation de Ponniyin Selvan. Un double-film épique aux personnages réussis, qui fait honneur à tout un pan historique du peuple Tamil. Une vraie belle pioche !