Toujours prompte à nous surprendre, HBO propose une refonte de Perry Mason dont le pilote est évidemment savoureux !
Pendant la grande dépression, Perry Mason est un détective sans le sou qui va pourtant s’occuper d’une affaire à même de faire trembler la toute puissante ville de Los Angeles. Développée par Rolin Jones et Ron Fitzgerald d’après les romans de Erle Stanley Gardner, la série est un reboot du personnage éponyme, avant qu’il ne soit avocat de la défense. Parfaitement reconstitué dans les années 30, le pilote est une bouffée d’air frais où funiculaire, vieux kodak et industrialisation proposent un dépaysement parfait.
Porté depuis 2016 par Robert Downey Jr, bien décidé à enfiler pendant un temps le Fedora lui-même, Iron Man s’est finalement résolu à « seulement » endosser la casquette de producteur exécutif pour donner vie à ce Perry Mason, version 2020, incarné par Matthew Rhys, plus américain que jamais. Ainsi donc c’est solidement préparé et incarné que le détective fait ses premiers pas dans les hautes sphères de L.A. dans un pilote parfaitement noir et délicieux. Une franche réussite.
Chinatown
Forcément, le ton et le rythme de cette nouvelle mini-série signée HBO de huit épisodes ne séduira pas tout le monde. Dès le pilote on est donc happés dans cette ambiance si particulière des films noir, avec une esthétique et une vision néo-noir à l’instar de Chinatown de Polanski ou L.A. Confidential de Curtis Hanson. Perry Mason est une série lancinante, du moins les premiers épisodes qu’on a pu voir le sont. L’atmosphère pesante de la dépression des années 30 ou le retour de la Grande Guerre permet au show d’asseoir son intrigue dans une période sombre et dépressive qui sied parfaitement à une enquête hard boiled, sale et racée.
Sous-jacente mais rarement graphique, la violence historique de cette époque mafieuse demeure paradoxalement omniprésente. On ne s’attarde pas sur un meurtre, une torture, un modus-operandi post-mortem, mais toutes ses facettes d’une ville du crime s’agencent avec insistance autour d’une affaire qui s’annonce évidemment politisée, où corruption, religion et déviance riment de concert. De quoi assourdir Perry Mason, encore traumatisé par la Guerre de 14, le genre de type qui en a déjà beaucoup trop vu, et que la malchance continue de mettre en présence du Mal, le vrai, le dérangé, l’humain.
A ce titre Matthew Rhys donne au protagoniste une présence et une âme tangible. Usé par les années de violence, détruit par un mariage raté, c’est désabusé qu’il se retrouve à filer les starlettes hollywoodiennes infidèles avant qu’un John Lithgow plus vrai que nature (aux côtés de l’obligatoire Franklin Shea Whigham Jr) ne le conduise vers l’affaire qui résonnera comme les prémices de sa carrière d’avocat. Une facette originale du personnage, mise en scène de façon parfaite par le vétéran Tim Van Patten (les Sopranos, The Wire, The Pacific…) qui mêle astucieusement les décors en CGI avec les vieux buildings encore debout dans L.A. Un labyrinthe industrialisé où se perdent les protagonistes, véritables pions d’un complot aux proportions dantesques, bref du tout bon.