Ces dernières années, la carrière du cinéaste allemand Wim Wenders était peu qualitative dans la fiction, mais particulièrement intéressante dans le documentaire. Lors de ce 76e Festival de Cannes, il a montré qu’il pouvait à nouveau être tout aussi bon dans l’un (Perfect Days) et dans l’autre (Anselm).
Les européens ont depuis longtemps cultivé une fascination pour la société japonaise. Chez plusieurs générations d’adolescents et de jeunes adultes, le mot Japon fait référence au manga, la à la j-pop ou encore aux films d’animation. En ce qui concerne ce vieux monsieur du nom de Wim Wenders, cinéaste qui a signé entre autres deux immenses classiques cinéma (Paris, Texas et les Ailes du désir), le regard sur le Japon est évidemment « légèrement » différent. Perfect Days en est le témoignage.
Pour son premier long-métrage tourné dans le pays du soleil levant et en langue locale, Wenders raconte le récit d’un nettoyeur de toilettes publiques à l’âme solitaire et travailleuse. Au contraire de ce que les autres pourraient penser, cette personne n’a pas de honte à faire ce travail. Il y trouve un sens profond, philosophique, dans la contemplation de l’instant présent. Ses journées sont structurées par des habitudes qu’il répète inlassablement : même routine au réveil, même restaurant où sortir, même banc sur lequel déjeuner le midi. Néanmoins parfois, la vie n’a rien de routinière et le hasard fait son entrée en jeu. C’est dans ces instants que la beauté de la vie frappe pleinement.
Routine filmique
Tout dans la mise en scène de Wenders est là pour rendre sensible le schéma quotidien de cet homme (superbement interprété par Koji Yakusho). Il y a un rythme très musical dans ce récit. De manière littéral dans un premier temps avec l’utilisation constante de chansons cultes anglo-saxonnes (Lou Reed, The Animals…) qui parsèment l’histoire et marquent l’état d’esprit du protagoniste à un instant T. Le décalage crée par ces musiques étrangères avec le personnage à la mentalité bien japonaise donne par moment le sentiment d’un choc des cultures à la Lost in Translation. Une harmonieuse rencontre entre la culture de Wim Wenders et du Japon.
Qui plus est, ce rythme musical est également présent à la racine de l’œuvre. Comme dans une musique classique, la répétition de certains motifs apportent une émotion particulière quand soudainement on y apporte de subtiles variations. C’est le même phénomène qu’on trouve dans Perfect Days avec un jeu habile sur les variations du quotidien dans le récit. On contemple les fines différences qui transforment une vie solitaire en une aventure ou un jeu.
Délicatesse de la mise en scène
Comme dans la plupart des films du cinéaste, il développe une imagerie générale douce et mélancolique. Le Tokyo version Wenders est loin de l’aspect oppressant qu’on pourrait ressentir dans l’une des plus grandes mégalopoles au monde. L’humain est solitaire, mais cela ne veut pas dire qu’il est malheureux. Par les gestes du quotidien, par l’admiration du mouvement du soleil à travers les feuilles, l’univers du personnage est en harmonie avec son environnement dans cette ville tentaculaire où l’Homme n’est qu’un grain de riz.
Bref, on admire cette délicatesse dans le récit et dans l’image. Utilisant un style naturaliste, le cinéaste capte la douceur de la lumière naturelle à la perfection. C’est d’ailleurs l’une des forces du long métrage : il n’est jamais esthétisant. Le film montre la beauté du quotidien dans sa plus grande simplicité à travers un sens de la composition et de la captation des instants simples de la vie. Ce qui n’empêche pas à l’œuvre d’être belle au sens premier du terme.
Ainsi, Perfect Days se révèle sans aucun doute comme l’une des plus belles œuvres de fiction de Wim Wenders depuis de nombreuses années. Touchant et bercé par un sens de la contemplation du quotidien, on regarde le film avec un sourire aux lèvres.
Perfect Days sort le 29 novembre 2023. Retrouvez tous nos articles du Festival de Cannes 2023 ici.
Avis
Perfect Days se révèle sans aucun doute comme l'une des plus belles œuvres de fiction de Wim Wenders depuis de nombreuses années. Touchant et bercé par un sens de la contemplation du quotidien, on regarde le film avec un sourire aux lèvres.