Oxana retrace le parcours d’Oksana Chatchko, depuis l’Ukraine en 2008, jusqu’à sa mort en 2018. Peintre, activiste, icone, le film montre les multiples facettes paradoxales de la jeune femme.
Le film Oxana est tiré d’une histoire vraie, celle d’Oksana Chatchko. Cette ukrainienne révolutionnaire, militante, réfugiée politique, artiste, comprend que son corps peut être un support à slogans qui capte l’attention. Avec son groupe d’amies, elle s’organise pour mener divers actions politiques afin de dénoncer la corruption du gouvernement et militer pour les droits des femmes. C’est aussi la naissance d’un des mouvements les plus importants du XXIe siècle : FEMEN.
La symbolique d’un mouvement
Ce biopic et portrait de femmes, se tisse en filigrane de la naissance du mouvement FEMEN en 2008, en Ukraine. Il est fondé par Oksana et ses deux amies Anna Hutsol et Aleksandra Shevchenko, dont on suit également le parcours. C’est par une suite logique d’inspirations et de rencontres, que le film nous explique l’activisme empreint de symbolique du mouvement, ses convictions, et son identité. Par exemple, la couronne de fleur est typiquement issue du folklore ukrainien, mais on nous donne plus d’éléments qu’on ne viendra pas divulgâcher ici.

L’association FEMEN se distingue par des actions fortes, comme le fait de peindre des draps de faux sang ou de dévoiler sa poitrine avec des messages peints dessus. Historiquement, ce geste symbolique apparaît pour la première fois en 2009 lors d’une manifestation du collectif à Kiev. Il s’agit de se réapproprier une partie du corps des femmes, normalement sexualisée, pour en faire un support militant. Le film ajoute des détails d’interprétations ou de réalité historique, mais il ne sera pas nécessaire de faire la part des choses. On repense notamment à ce tableau de la « Liberté guidant le peuple », qui aura inspiré à Oksana à lever le poing, les seins nus, devenant « la femme guidant le peuple ». Et c’est de toute façon très plausible, même probable.
Danse avec les loups
Et si l’association FEMEN est présentée ici de façon très différente de l’image qu’on en a eu en France, c’est normal. Par indices disséminés, le film nous raconte la réappropriation du « package » de symboles et de combats lors de son exportation française, et ses déviations, parfois loin hélas des intentions originelles. Lâchetés et désaveux sont dans le lot du film Oxana, et on va de joies en déceptions. L’ascenseur émotionnel est fort, avec des scènes parfois violentes, comme lors de la traque par le KGB, ou l’inertie des administrations. Sauf qu’ici, on sait déjà comment ça se termine.

La rencontre entre Oksana et Apolonia Sokol, lors de son arrivée en France, marque un tournant dans le film. Encouragée à reprendre la peinture aux Beaux-Arts de Paris, l’héroïne prend le temps de la réflexion, observe, écoute, juge. Cette relation reste abordée en surface, on ne peut que deviner, interpréter ou fantasmer même, que l’héroïne ait trouvé une véritable amie. Assurément ce sera l’une des dernières rencontres importantes de l’héroïne, et on le sent presque venir.

Devenir une icone
Croyante, Oksana peint des icones qu’elle revend à l’Eglise, et gagne sa vie de cette façon. Elle étudie la technique, les dorures, et l’iconographie. Le film reprend alors les codes iconographiques pour porter la jeune femme à ce même rang. Dans la composition, comme lorsque l’actrice ouvre ses mains au cieux pour montrer ses blessures. Mais surtout c’est la lumière qui est utilisé comme principal outil. Parfois en halo autour d’un visage, parfois à contrejour, elle donne aux apparitions d’Oksana un caractère de plus en plus énigmatique, jusqu’à devenir inaccessible.

De même, à mesure que le film avance, l’héroïne devient moins expressive, elle s’immortalise dans les silences, mais pour en dire toujours autant, comme lors de sa relation avec Apolonia. Elle mue progressivement vers autre chose, de plus grand qu’elle, pour disparaitre. Au sens littéral du terme. Tel V, dans V pour Vendetta, son individualité prend fin alors qu’elle persiste dans ses idées et ses messages. Il s’agit d’une fin désabusée et tragique, car elle comprend qu’elle ne peut plus évoluer dans son environnement, son état. Acculée, elle laisse la place à d’autres pour mener ses combats. Mais elle ne sera pas un martyre.

Le film ouvre sur une danse traditionnelle ukrainienne, pleine de rires et d’innocence. Il se termine sur cette même danse, mais désormais empreinte de la connaissance de l’histoire, et de la tendre amertume qu’il nous reste désormais. C’est avec compassion qu’on repense à la vie nécessaire d’Oksana. C’est avec une oreille accueillante qu’on reçoit le message du film Oxana.
Oxana, de Charlène Favier, sort en salle le 16 avril 2025
Avis
Oxana est le biopic qui vient rectifier nos biais sur ce qu’aurait dû être FEMEN. Il est surtout le témoignage d’une femme devenue une des icônes qu’elle peignait. Un deuxième long métrage méticuleux et riche pour sa réalisatrice