Neuf Meufs, c’est la première série d’Emma de Caunes, qui au travers de 9 portraits de femmes divisés en 9 épisodes de presque 9 minutes s’entend nous proposer un regard neuf sur la femme d’aujourd’hui. Attachant mais franchement inabouti.
Emma de Caunes s’était faite rare sur les écrans depuis plusieurs années. Connue pour divers seconds rôles, l’actrice s’était cependant déjà alliée avec l’artiste Diastème pour Le Bruit des gens autour en 2008 et Les Châteaux de sable en 2015, où elle campait enfin le premier rôle, avant de poursuivre leur fructueuse collaboration sur petit écran avec la série Claire Andrieux, une sorte de suite des Châteaux de sable, en compagnie de l’hilarant Thomas VDB sur ARTE. Pour sa première série CANAL+ décalée, où la chaîne cryptée s’entend proposer des formats plus audacieux, Emma de Caunes s’entoure une nouvelle fois de Diastème, et croque, tout en intimité et en modestie, le portrait de neuf femmes habitant tous le même immeuble. Un format court comme un instantané de la vie de chacune d’entre elles, et un premier essai aussi attachant que frustrant.
En toute intimité
La grande réussite de Neuf meufs, c’est la manière dont la première série d’Emma de Caunes parvient à filmer l’intimité. Ne tombant jamais dans le piège d’un théâtre filmé très artificiel, la jeune réalisatrice, aidée par ses brillants interprètes, atteint en effet instantanément la justesse et la sincérité recherchée. On notera en effet l’attachante partition de Solène Rigot et Charlie Dupont en père et fille conversant au sujet d’une rupture, meilleur exemple de ce que la première série d’Emma de Caunes nous offre dans ses instantanés de vie pris sur le vif. Cependant, si certains épisodes paraissent plus réussis que d’autres, c’est que la durée de moins de 10 minutes imposées par le format réclame un certain tempo, que Neuf meufs n’est malheureusement pas toujours en capacité de suivre.
Ainsi, la série d’Emma de Caunes cède parfois à une observation vaine et inaboutie qui troque la sincérité de son entreprise pour de la frustration. Délaissant dans bon nombre d’épisodes ses personnages lorsqu’enfin, le récit s’envole et qu’il paraît toucher le cœur de l’intrigue, le générique laisse pantois, comme si le numéro de l’actrice, aussi admirable soit-il, ne pouvait à lui seul combler une jolie démonstration de vide. On attendait ainsi de voir ses femmes s’entrechoquer, tant ce qu’il se passait à l’intérieur de chacun de leurs appartements semblait annoncer un final en forme de feu d’artifice, ce qui, une fois de plus, sera abruptement stoppé. C’est ainsi là que se présentent rapidement les limites de cette observation intimiste, qui dans ses meilleurs instants, touche l’intime, et dans les autres, semble nous claquer la porte au nez pour nous rappeler notre statut de simple invité.
Entre désir et frustration
Heureusement, et ce même dans les épisodes les plus inaboutis, l’écriture de la série et sa restitution du désir féminin sous toutes ses formes arrive à pleinement toucher. Évoqué avec élégance et sans fioritures, tout paraît ainsi au service d’une infinie justesse, notamment lors d’un épisode entre une adolescente et sa mère, campée par Mademoiselle Agnès, où l’évocation de la sexualité et de son regard vu par le prisme d’un regard d’adolescent paraît complètement fidèle aux discussions inhérentes au sujet.
En terme de représentation, Neuf Meufs n’oublie également personne, et aucune sexualité, et cette mosaïque s’emboîte ainsi de la plus contemporaine des manières. Il est ainsi dommageable, devant un parterre de talents que l’on aimerait voir plus souvent, de la toujours lumineuse Marie Bunel à la trop rare Jeanne Rosa, en passant par les superbes seconds rôles campés par François Berléand et Philippe Katerine, que des visages aussi talentueux ne soient représentés que dans de bien trop étroites parenthèses pour pleinement éclater.
Autant de qualités qui pourraient nous encourager à plonger dans l’intimité de Neufs Meufs si la série ne nous claquait pas aussi abruptement la porte au nez.