Doté d’une carrière remarquable, le cinéaste Todd Haynes (Dark Waters, Carol) continue de surprendre par ses choix narratifs. Tout en demeurant proche de thématiques qu’il affectionne, May December avec Julianne Moore et Natalie Portman déroute par sa tonalité.
Une actrice célèbre (Natalie Portman) se rend au domicile d’une femme (Julianne Moore) ayant défrisée la chronique des années auparavant, car elle a eu un enfant avec un adolescent de 13 ans (le titre May December fait référence à cet écart, Todd Haynes a déclaré qu’en français on pourrait appeler cela « une Macron »). Cette affaire est sur le point d’être adaptée en film et le personnage de Portman s’apprête à jouer le rôle de Moore, mais elle souhaite tout d’abord mieux cerner sa personnalité. De cette rencontre naît un film au style étrange avec des allures mélodramatiques de tv-soap emballé avec des pointes de comédie.
Décalage omniprésent
On a la sensation que c’est un film de pur plaisir pour Todd Haynes et son équipe. Tourné relativement rapidement, les acteurs s’en donnent à cœur joie. C’est aussi le cas pour la mise en scène qui mélange différents styles, du mélodrame à la satire. May December joue habilement sur les contre-points pour toujours déstabiliser le spectateur. Il y a un aspect insaisissable qui s’en dégage et qui fonctionne relativement bien.
Tout en s’inscrivant dans cette tonalité mélodramatique, Haynes casse constamment le déroulé du récit par l’humour. Ce qui est parfait pour contrebalancer les multiples clichés – qui sont assumés – d’une histoire autour d’un scandale de tabloïds. Qui plus est, ces touches humoristiques font mouche !
D’ailleurs, il faut noter que la musique agit comme contre-point sonore à l’image et elle sert souvent de ressort comique. Appréciant ce jeu constant avec des clichés cinématographiques, Todd Haynes remet au goût du jour un thème du compositeur français Michel Legrand (Parapluies de Cherbourg, Demoiselles de Rochefort) utilisé de manière pompeuse mais volontaire, entrainant un effet comique.
Julianne et Natalie
Le cinéaste réunit donc dans le même film Julianne Moore (Magnolia, Still Alice), une de ses actrices fétiches, avec Natalie Portman (Black Swan, Jackie). Moore interprète un personnage troublant dont on ne perçoit jamais vraiment le fond de sa pensée, on ne sait pas si elle est folle, naïve ou intelligente. Ce type de rôle lui convient bien évidemment à merveille, quitte à être très proche de ce qu’elle joue déjà habituellement. Néanmoins, c’est en particulier pour la performance de Natalie Portman que May December est tiré par le haut avec une interprétation tout en nuances. Il faut dire qu’elle aussi est en terrain connu avec un personnage d’actrice (euphémisme…).
Haynes multiplie les plans longs, sophistiqués avec des jeux de miroir, confrontant les deux personnages à l’écran. Il laisse le champ libre à ses actrices pour démontrer tout le talent dont elles sont capables. De plus, il faut saluer la belle performance de l’homme au centre du jeu des deux femmes, Charles Melton. Le personnage est à la fois touchant et drôle, ce qui permet au spectateur de se connecter au récit du fait de l’empathie envers le personnage.
Malgré toutes ces qualités, on reste quelque peu sur notre faim. May December est un film fort plaisant, mais d’une puissance mineure par rapport au reste de la filmographie de Todd Haynes. On sent qu’il s’est fait plaisir et cela se ressent à l’image.
May December sortira au cinéma le 24 janvier 2024. Retrouvez tous nos articles du Festival de Cannes 2023 ici.
Avis
Malgré toutes ces qualités, on reste quelque peu sur notre faim. May December est un film fort plaisant, mais d’une puissance mineure par rapport au reste de la filmographie de Todd Haynes. On sent qu’il s’est fait plaisir et cela se ressent à l’image.
Un commentaire
J’ai été séduite par la performance entre les deux actrices qui semblent s’amuser et de nous également ainsi que le metteur en scène qui a beaucoup de talent. Bon souvenir du festival de Deauville.