La célèbre franchise de slasher Massacre à la Tronçonneuse revient tronçonner le petit écran sur Netflix avec cette fois-ci à la production le talentueux Fede Alvarez et réalisé par le jeune et prometteur David Blue Garcia. Verdict ? Un massacre de belle facture ! Attention SPOILERS !
Il était difficile pour ce film de se démarquer au sein de la saga, cette dernière étant des plus complexes. Après un chef d’œuvre réalisé par Tobe Hooper en 1974, ce réalisateur culte, poussé par les studios qui voulait surfer sur le succès d’Halloween, revient en 1986 pour réaliser le très débile mais rigolo Massacre à la tronçonneuse 2. Puis à l’instar de toutes les autres franchises similaires, vint deux suites oubliées de tous avant d’être totalement rebooté par Marcus Nispel en 2003. Suivit d’un prequel du reboot en 2007. S’ensuit une suite directe du premier de Hooper, faisant fi de toutes les suites, en 2013. Et enfin un prequel du premier en 2017 réalisé par nos frenchies Alexandre Bustillo et Julien Maury. Avec de telles torsions chronologiques pour essorer la franchise jusqu’au bout, il était difficile pour le Massacre à la tronçonneuse cru 2022 de trouver une approche originale.
Et nous pouvons affirmer que ce n’est pas son intention puisque l’histoire se répète ! Inspiré une nouvelle fois par le succès du requel (terme mélangeant remake et sequel pour définir une suite directe d’un premier film qui efface toutes les autres… ) d’Halloween de 2018, le film de David Blue Garcia ressort une nouvelle fois cette carte pour offrir (même si elle avait déjà été utilisée en 2013 donc…) pour faire revenir l’héroïne du premier et son célèbre Leatherface. Pour fournir très certainement la meilleure succession de toute la franchise ! Qu’on se mette d’accord dès maintenant, ce film n’atteint jamais le génie du premier de 1974. Mais il possède la juste modestie de ne jamais en avoir la prétention. Fede Alvarez, initiateur de cette nouvelle relecture du mythe, mise avant tout sur une intention d’efficacité au sein d’un récit abordant des problématiques modernes.
A l’image du chef d’œuvre de Hooper qui confrontait deux pans de la société américaine, les hippies face aux rednecks ; ce long métrage perpétue cet héritage avec des bobos venant gentrifier les propriétés de la campagne profonde. Leur orgueil bourgeois viendra réveiller le mal qu’incarne Leatherface qui n’hésitera pas à trancher dans le vif ! Un postulat respectant l’essence de sa matrice et s’avèrant des plus jouissif dès qu’on se dit que les personnages le méritaient un peu. Un fond sociétal aussi bourrin que son boogeyman, qui dodeline vers le réac’, mais dont on ne demande pas plus. Car dans un tel film, c’est avant tout la mise en scène cathartique de la violence qui prime et David Blue Garcia ne perd à aucun moment de vue cela. Un soin est apporté pour iconiser son méchant au travers d’une photographie plus léchée qu’à l’accoutumé pour ce genre de production.
Un massacre bien huilé
La caméra ose quelques plans malins à base de travelling très fluides ou à l’inverse en sachant rester fixe pour témoigner de l’horreur qui se passe, sans plus d’artifices. Massacre à la tronçonneuse 2022 a un souci d’efficacité remarquable, d’abord via sa petite durée qui empêche tout surplus de gras narratif et d’autre part en prenant le soin de rendre ses scènes de tension crédibles. Les actions et réactions des personnages, menant aux suspens puis aux massacres, sont pour la grande majorité cohérentes, chose rare dans les slashers. Le réalisateur n’hésite pas à faire durer les scènes de tension et à accumuler les péripéties pour offrir un Roller Coster réjouissant. Le film ne lésine pas non plus sur les effets gores, sans jamais virer dans le too much. C’est brutal, incisif et organique, à l’image de ce poignet cassé qui sert à planter la gorge de sa victime.
Et si la forme est plutôt généreuse, le film fait l’effort de ne pas être seulement un festival de boucherie et aborde des sujets. Outre la gentrification précédemment citée, l’héroïne nous est présentée comme une survivante d’une fusillade de masse. Même si la thématique du traumatisme aurait pu être plus développée, son drame très ancré dans le réel provoque directement une compassion envers le personnage et par extension envers sa sœur et cela même si elles sont des bobos un peu orgueilleux. Par le prisme de l’héroïne principale, Leatherface n’est donc plus seulement un boogeyman mais l’incarnation de ses traumas qu’elle devra apprendre à surmonter tout au long du récit. Cette problématique pour le moins délicate, a bien failli tomber dans la morale purement réactionnaire pro-arme et certains diront que c’est le cas.
En effet, à plusieurs reprises la victime est poussée à prendre des armes à feu pour se défendre et donc à battre son traumatisme de la fusillade en prenant à son tour les armes. Cependant les plus attentifs remarqueront qu’à chaque fois que cette dernière a un fusil à la main, la machine s’avère des plus inefficaces, tombe en panne etc… Leatherface étant mis K.O par sa propre tronçonneuse. Par ailleurs, tous les personnages qui usent d’armes à feu se font joyeusement découper. En ce sens, il est très malin de la part du récit de prendre à revers les attentes concernant Sally Hardesty. La survivante du premier opus est passée, à cause du cycle de violence qu’elle a connu, de Hippie à une redneck shérif texane en quête de vengeance. Cependant le scénario ne tombe pas dans le lieu commun de l’iconographie badass pro auto-justice (même si il tente de nous le faire croire) en trucidant sans vergogne et scrupule (et avec un peu d’absurde) celle que l’on pensait réussir sa vengeance. Une direction tout aussi maline qui permet de ne pas trop faire écho à son modèle, Halloween 2018 alors que tout sentait de prime abord le copier-coller.
Massacre à la tronçonneuse 2022 est donc le revival le plus intéressant de la saga grâce à la rigueur déployée pour son récit efficace et divertissant. Le film arrive à surprendre par son soin esthétique et certains retournements, sans pour autant renier son aspect cathartique et bourrin bas du front. Le tout en faisant l’effort de renouer avec l’essence de l’originel en abordant, de manière aussi bourrine que sa forme, mais cohérente, des problématiques plus profondes ancrées dans la société américaine. Une suite respectueuse, qui n’atteint à aucun moment la maestria du chef d’œuvre de Hooper et qui a la modestie de ne pas avoir la prétention de l’atteindre.
Massacre à la tronçonneuse est actuellement sur Netflix.
Avis
Sans avoir la prétention d'atteindre la maestria du premier, ce requel jouit d'une efficacité bourrine divertissante, ne lésine pas sur les effets gores et ose reconnecter avec un propos social, certes peu subtil mais bienvenu.