Pour célébrer les 40 ans de L’Œuf de l’ange, le film a bénéficié d’une restauration 4K supervisée par Mamoru Oshii lui-même, et sera projetée en salle dès le 4 décembre 2025.
L’Œuf de l’ange (Tenshi no Tamago) est à l’origine un roman de Mamoru Oshii et Yoshitaka Amano. Si le livre est disponible chez Black Box, les deux hommes sont connus pour d’autres activités. Mamoru Oshii est réalisateur, producteur et scénariste, et on lui doit d’avoir réalisé les deux films Ghost in the shell, Jin-Roh, la brigade des loups. Quant à Yoshitaka Amano, c’est un illustrateur bien connu des amateurs de jeux vidéo puisqu’il est, entre autres, le character designer des jeux vidéo Final Fantasy. Si le livre est disponible chez Black Box Editions, L’Œuf de l’ange est surtout connu du grand public pour son adaptation en film d’animation sorti en 1985, réalisé évidemment par Mamoru Oshii pour le studio DEEN.
Un conte phylosœufique
Qu’est-ce que ce film peut bien nous raconter de si exceptionnel en à peine 1h10 pour valoir une restauration projetée à Cannes et une nouvelle sortie en salle ? Et bien justement, ce qu’il raconte est encore à définir, 40 ans après. Dans une ville en ruine et inhabitée, une jeune fille garde un œuf mystérieux, un oeuf énorme. Elle se met en route vers un lieu encore inconnu, en collectionnant les bouteilles en verre, en protégeant son précieux œuf.

Sur sa route elle rencontre un jeune homme taciturne. De l’échange entre eux on comprend que l’œuf serait celui d’un ange. Sur la route on croise des hommes sans visages qui pêchent des poissons/ ombres projetés sur les murs délabrés. Au loin, un orbe mécanique immense se lève et se couche depuis la mer. Au terme de leur parcours contemplatif et empreint d’un sentiment d’inquiétude indicible, ils trouvent une fresque avec un squelette fossilisé. Le jeune homme raconte alors l’histoire de l’Arche de Noé, et son lien possible avec l’œuf. Que vont devenir l’œuf, la jeune fille et le jeune homme, seuls personnages de l’histoire ?

L’Œuf de l’ange est un conte fantastique, presque gothique, emplein de symbolismes. Il ne faut pas tenter de comprendre les informations en leur sens propre, sans quoi le récit est presque incompréhensible. C’est avant tout d’une allégorie biblique, qui invite à l’interprétation personnelle. Egalement, il ne faut pas se demander ce que l’on voit ou comprend, mais plutôt ce que l’on ressent face à ce film d’art. La quête de sens, le cycle de vie et de mort dans un monde coincé dans la mort, et qui contient son seul espoir de renouveau dans un œuf, dont le contenu est un mystère. La fin appelle une lecture subjective, de la même façon qu’il faudrait interpréter un tableau de Soulage ou de Rothko. Après 40 ans, Mamoru Oshii reste assez flou sur le message et la signification du film. D’aucun disent qu’il n’a pas compris lui-même son propre film (comme Ghost in the Shell 2 : Innocence).
L’œufémisme, osa
L’Œuf de l’ange est une exception dans le monde standardisé de l’animation. Il se raconte lentement, tout en images et avec très peu de dialogues. D’une narration contextuelle et contemplative assumée, chaque détail a son importance. Et chaque plan est comme un tableau, aux couleurs ternes et désaturées pour coller avec la pénombre des lieux. L’œuf est bien sur porteur de 1000 symboles comme la naissance, l’espoir, le renouveau, le mystère, l’attente… Mais il y a aussi l’arme du jeune homme qui représente une croix qu’il porte tout du long (doit on y voir un hommage dans Trigun avec le personnage de Nicholas D. Wolfwood ?), ou encore les ombres de poissons géants (symbolique du Christ) chassées par les pêcheurs. L’ambiance laconique et inquiétante est finalement sublimée par une musique de Yoshihiro Kanno, toute en demi-tons, typique des films comme Psychose ou Les dents de la mer. Cette musique c’est l’errance, la mort, la vacuité.

Pas de dénouement classiquement héroïque proposé souvent dans le genre, pas de méchants ou d’antagoniste, pas de fin en fanfare. C’est une narration à contre-courant, hors des schémas habituels. L’Œuf de l’ange est un voyage qui se contemple et se ressent. Il ne s’interroge qu’ensuite. Eventuellement.
L’Œuf de l’ange en version restaurée 4K, sortie en salle le 3 décembre 2025
Avis
L’Œuf de l’ange est un film d'art incontournable de l'animation japonaise, dont la narration à contre courant, l'image et la musique sont une invitation à l'introspection. Un film qu'on ressent, plus qu'on ne regarde.

