Les Choses Humaines arrive à point nommé. L’adaptation du roman de Karine Tuil est non seulement très réussie, mais Yvan Attal peut également se targuer d’avoir signé son meilleur film.
Les Choses Humaines évoque rapidement Le Dernier Duel de Ridley Scott. Sortis à deux mois d’intervalle dans un contexte encore peu propice aux grosses fréquentations d’antan, les deux longs-métrages n’ont su rencontrer leur public, passant sous le seuil des 200 000 entrées pour le film d’Yvan Attal et en dessous des 500 000 entrées pour le grand retour de Ridley Scott. Pourtant, ces deux projets demeurent aujourd’hui les meilleurs exemples de films post #MeToo ayant parfaitement et intelligemment ingéré leur sujet, remettant la parole des uns et des autres au centre de leurs brillants dispositifs narratifs.
Sexisme ordinaire
Les Choses Humaines pouvait ainsi laisser craindre, après la déception de son adaptation très lisse du pourtant corrosif Mon Chien Stupide de John Fonte, qu’Yvan Attal aurait pu passer à côté de toute l’intelligence du roman de Karine Tuil. Toujours accompagné de Yaël Langmann au scénario, ce dernier prend cependant un soin tout particulier à saisir toute l’essence du livre en scindant, comme pour Le Dernier Duel, son long-métrage en points de vue des différents protagonistes. Le milieu de l’un, aisé (Ben Attal), fils d’une essayiste polémiste (Charlotte Gainsbourg) et d’un présentateur sur la fin (Pierre Arditi), accusé de viol et elle (Suzanne Jouannet), issue d’un milieu plus populaire, fille d’un professeur (Mathieu Kassovitz) en couple avec la mère de l’accusé, et d’une mère très pratiquante.
Yvan Attal parvient ainsi, sans n’accabler personne, à saisir toute la déliquescence d’un milieu aisé coupé de toute réalité, de comportements et de jugements faciles enfermés dans leurs milieux et leurs convictions étriquées. Sur le destin de deux jeunes vies sacrifiées et offertes en pâture aux médias et à la justice, Les Choses Humaines filme de près ses personnages, en proie au doute et en quête d’une vérité aussi repoussante qu’indomptable et fataliste. Porté par un prestigieux casting, tous sont ici formidables de retenue, d’un impérial Pierre Arditi à la révélation Suzanne Jouannet jusqu’aux formidables plaidoiries de Judith Chemla et Benjamin Lavernhe.
Tribunal médiatique
La grande prouesse des Choses Humaines réside ainsi dans la précision de sa mise en scène, qui, d’une caméra tremblante, filme au plus près l’implosion intime des convictions de chacun de ses protagonistes. La mise en scène d’Yvan Attal n’a ainsi jamais été aussi inspirée, cinéaste sympathique mais jamais marquant qui signe là son meilleur film, et de loin, démontrant tout son talent dans une séquence de tribunal parfaitement exécutée, exercice complexe mais admirable et prenant, de la manière dont il est ici mené. On lui pardonnera ainsi son adaptation plus lisse et plus ambigüe du personnage de Charlotte Gainsbourg, muse du cinéaste ici mère plus aimante que dans le roman de Karine Tuil, tant Les Choses Humaines réussit avec brio son passage sur grand écran.
Parce que le film d’Yvan Attal se fait plus contemporain et nécessaire que jamais, que sa mise en scène de la machine à broyer qu’est la justice, du sexisme ordinaire, et des comportements masculins, de classe toxiques, on lui pardonnera volontiers quelques longueurs retirant un moindre souffle à ce suffocant tableau. Les Choses Humaines, comme Le Dernier Duel marquent ainsi une véritable évolution de la libération et du respect de la parole des victimes, et attestent d’une réelle appropriation au cinéma du mouvement #MeToo. L’occasion, plus que jamais, d’admirer ces Choses Humaines telles qu’elles sont, dans leur infinie fragilité et leur asphyxiante brutalité.
Les Choses Humaines est disponible en VOD, DVD et Blu-ray.
Avis
Les Choses Humaines voit Yvan Attal signer sa meilleure adaptation et également son meilleur film en tant que metteur en scène. Parvenant intelligemment à saisir toute l'essence du roman de Karine Tuil, le cinéaste saisit l'intime et réussit la prouesse d'une scène de tribunal parfaitement exécutée. Plus contemporain et plus juste que jamais, Les Choses Humaines demeure ainsi aussi nécessaire que réussi.