L’éducation de Rita met en scène une célèbre comédie anglaise qui met en avant et questionne le rôle de la culture dans nos choix de vie.
L’éducation de Rita, célèbre comédie anglaise de Willy Russel publiée en 1983 et adaptée à l’écran l’année suivante, trouve ici un souffle nouveau.
Nous sommes dans le bureau de Franck, un professeur de littérature désabusé qui a trouvé refuge dans l’alcool. Mais son quotidien se trouve bouleversé quand Rita, une jeune coiffeuse issue d’un milieu social modeste, pousse la porte de son bureau pour des cours du soir… Cette rencontre pleine de tendresse et d’humour va bouleverser leurs vies respectives… et nous faire passer un délicieux moment !
C’est l’heure des cours du soir !
Le rideau s’ouvre, et on s’installe confortablement dans le décor chaleureux et intimiste de ce bureau encadré par des bibliothèques remplies de livres, de quelques bouteilles aussi (!), entre lesquelles des guirlandes de feuilles flottent dans les airs. Des livres donc, partout, empilés sur des étagères, sur un bureau en désordre, un guéridon… Des livres, puisque c’est souvent par eux que l’éducation commence.

Ce bureau, c’est celui de Franck, professeur de littérature figé dans un quotidien aussi terne que les vêtements dans lesquels il semble disparaître. Il ne croit plus en ses rêves de poète, n’écrit plus, ne nourrit même plus l’envie de rendre ses jours meilleurs. Et pour le reste, il se considère comme un professeur « lamentable ». Alors forcément, quand Rita débarque avec son tempérament bien affirmé et son envie de s’instruire, perchée sur ses talons fushia, l’enthousiasme n’est pas franchement au rendez-vous. Non seulement il ne se sent pas à la hauteur de ses attentes, mais il préfèrerait passer ses soirée au pub, comme d’habitude.
« Selon moi il n’y a pas de mots vulgaires, il n’y a qu’une utilisation vulgaire des mots. »
Mais Rita, avec son franc-parler et sa détermination, compte bien aller au bout de son projet. Elle a 29 ans, manque de confiance en elle, et est animée du désir de se cultiver pour se rencontrer, se comprendre. Et surtout pour échapper à la banalité à laquelle sa situation et son milieu social semblent la condamner. Plus qu’un désir, un besoin même. Elle veut « tout savoir », fréquenter des êtres passionnés, et ne pas ressembler à ces gens qui essaient sans cesse de combler un vide immense.
Quand la différence rapproche
Deux personnalités que tout oppose, à première vue, mais qui vont évidemment créer un lien fort. Le schéma de la rencontre est classique, mais on se laisse volontiers prendre au jeu. Car l’affection et la complicité qui se fraye un chemin entre ces deux êtres est attendrissante, pleine de sincérité et d’espoir. On sent qu’ils ont besoin l’un de l’autre, sans vraiment pouvoir expliquer pourquoi.

Il l’aide à étoffer sa culture littéraire, théâtrale, lui apprend à écrire des dissertations, à développer une argumentation, à se faire un avis ; elle le bouscule dans son inertie, l’incite à se reprendre en mains. Chacun sert de miroir à l’autre, de prétexte pour évoluer, grandir, changer de perspective. Maxime-Lior Windisch et Owen Doyle forment un duo touchant, drôle et attachant. Elle est une Rita pleine de spontanéité, de fraîcheur, de caractère. Il est un Franck tout en nuances et en complexité, subtilement charmé par cette jeune jeune femme pleine de vie et de fougue.
La culture comme porte d’accès à la liberté
La mise en scène d’Owen Doyle & Katie Haigh est simple, classique, réaliste, et suffisamment dynamique et vivante pour conserver notre attention intacte du début à la fin. Le bureau du professeur est le lieu où tout se passe, l’espace intimiste dans lequel leur relation se construit à mesure qu’ils se retrouvent pour les fameux cours du soir. La scénographie et les costumes d’Anaïs Alric mettent en évidence le contraste entre Rita, qui se trouve dans une véritable dynamique de mouvement, d’évolution, avec ses tenues et coiffures qui changent au fil de son émancipation, et Franck, qui a plus de difficultés à s’extraire de ses mauvaises habitudes et de sa garde-robe pas franchement joyeuse.

L’éducation de Rita est une pièce intemporelle qui aborde la thématique essentielle de l’accès à la culture, et de toutes les portes qu’elle ouvre sur le monde, sur soi. La connaissance, la culture, sont ici valorisées non pas pour briller mais pour avoir le choix et tenir les rênes de son destin. Et, au-delà de ce constat, la pièce pose également des questions intéressantes quant à l’influence de notre milieu social sur nos choix de vie, sur la manière aussi dont la culture nous façonne. Sommes-nous davantage nous-mêmes avant ou après elle ? Ce sont de jolies graines que sème cette pièce absolument charmante et délicieuse.
L’éducation de Rita, de Willy Russell, mise en scène Owen Doyle & Katie Haigh Mayet, avec Maxime-Lior Windisch et Owen Doyle se joue jusqu’au 05 novembre 2023 au Théâtre Le Funambule Montmartre.

Avis
La spontanéité et la complicité qui se dégagent de la relation entre ces deux personnages donne un côté très "vrai" et sincère à leur relation et à l'histoire. Ce qui rend la pièce aussi confortable qu'un bon gros plaid ! On sourit, on rit, on réfléchit, on aime.