Après Anatomie d’une chute cet été, le cinéma français nous remet la cours d’assises sur le devant de la scène avec Le procès Goldman, plus sobre mais tout autant pertinent.
Réalisé et coécrit par Cédric Kahn, Le procès Goldman nous raconte l’histoire vraie (malgré certains ajouts fictifs) du second procès de Pierre Goldman, ancien militant d’extrême gauche et révolutionnaire, ayant terminé sa carrière comme petit braqueur. Tout l’enjeu de ce procès se place autour du braquage d’une pharmacie, auquel s’ajoute un double meurtre et deux blessés par balles. C’est le seul méfait dont Goldman est accusé pour lequel il clame son innocence. On se retrouve donc en huis clos au sein de la cour d’appel d’Amiens, en 1976, pour suivre le procès dans une France subissant encore les conséquences de la Seconde Guerre Mondiale, sur fond d’antisémitisme, de racisme, et de revendications politiques.
Un procès d’époque
Le film s’ouvre sur deux des avocats de Pierre Goldman discutant de son cas. On comprend tout de suite, sans l’avoir vu ni l’avoir entendu parlé, que c’est un personnage retors, complexe, qu’il nous faudra nous aussi, spectateurs, décoder durant le procès. Il ne nous dévoile son visage qu’au début du procès, bien contrasté par l’éclairage millimétré du directeur photo Patrick Ghiringhelli (La nuit du 12). Le personnage ressort d’autant plus grand et imposant dû à la prise de vue en 4/3, totalement justifiée pour ce film.
Elle nous permet de nous remettre dans le contexte de l’époque, car si on y ajoute les zooms et mouvement de caméra habilement placés, ainsi que l’étalonnage « rétro », on a l’impression de regarder un reportage télévisé des années 70. Cédric Kahn nous place donc dans l’intimité de ce procès, à l’intérieur de la salle, il nous donne la place d’un juré qui doit se faire son avis sur Goldman. Outre cela, la mise en scène est minimaliste, sans fioritures et artifices, mais suffit amplement au film, porté par ses dialogues et ses acteurs. Le jeu y est d’ailleurs très théâtral, ce qui transmet à merveille l’ambiance dramatique d’un procès de ce genre.
Police et justice dans le boxe
Le portrait de Pierre Goldman est donc fait au fur et à mesure de l’intervention des nombreux témoins, ainsi que de ses propres prises de parole. On voit transparaître son caractère indigné et insoumis, refusant même de suivre les conseils de ses avocats. Il se joue tout au long du film des réflexions et ordres du juge, et se moque allègrement de lui, provocant à de nombreuses reprises le rire au sein de ses soutiens. Bien sûr, tout cela ne sert pas uniquement l’ego de Goldman, car ce procès n’est pas que le sien, c’est celui du système judiciaire et policier.
On voit en effet ressortir un antisémitisme et un racisme bien présent lorsque les policiers sont appelés à la barre. On comprend qu’il fallait un coupable pour ces meurtres, ils ont donc choisi Goldman, ce dernier étant juif et déjà connu comme criminel. Certains vices de procédures apparaissent également, les policiers auraient en effet forcé les amis noirs de l’accusé à parler contre lui. Goldman jure que de nombreux droits lui auraient été refusés par les policiers lors de son interrogatoire pour en faire le coupable idéal. En bref, la police serait totalement à charge contre lui, car c’est un juif, ami avec des noirs.
Quant au système judiciaire, on entrevoit au cours du film son but ultime, qui n’est pas purement et simplement la recherche de la vérité comme il devrait l’être, mais plutôt d’établir à tout prix le portrait du coupable parfait, peu importe si cela est vrai ou non. Les avocats de l’accusation et de la défense mènent leur débats d’idées visant à séduire les jurés. On ressent chez eux la prédominance de leur ego, l’importance qu’ils accordent à la victoire de ce procès, ne se souciant même pas des avis de leurs clients.
De plus, le dossier Goldman ne reposant que sur des témoignages, on reconnaît bien la faiblesse de la preuve que ceux-ci donnent, étant orientés comme bon leur semble par les avocats. Le juge lui-même est dès le début, on le ressent dans ses questions, à charge contre Goldman, alors que celui-ci clame son innocence pour ce double meurtre, même s’il se reconnaît coupable de tout les autres braquages. On voit donc aisément apparaître sous nos yeux la défaillance du système cherchant juste sa bonne poire, son bon coupable.
Cédric Kahn nous présente ici un film très intelligent, avec plusieurs niveaux de lecture. On peut y voir simplement le procès Goldman, et le récit d’un homme et d’une époque, ou bien on peut faire un parallèle avec aujourd’hui, 50 ans plus tard, où l’on dénonce toujours les problèmes de discriminations et de violences au sein de la police, et des inactions de la justice. Il nous importe donc à nous, placés en tant que jurés, de départager le vrai du faux, de croire l’accusé, ou de se placer du côté du système établi, que Goldman répudie.
Le procès Goldman est sorti le 27 septembre 2023.
AVIS
Malgré une mise en scène très minimale quoique justifiée, Le procès Goldman arrive à nous tenir en haleine pendant presque 2h, avec ses dialogues élaborés et ses acteurs parfaitement justes.