C’est l’évènement Netflix de l’année : Le Monstre de Florence (Il Mostro) est une mini-série de Stefano Sollima (Suburra, Sicario 2) s’intéressant via un angle hautement original au plus tristement célèbre des serial killers italiens… ce dernier n’ayant jamais été réellement retrouvé ! Attention, c’est du meraviglioso !
Le Monstre de Florence n’est pas simplement le titre de cette mini-série de 4 heures ! En effet, derrière ce sobriquet se cache en réalité la plus célèbre des affaires criminelles italiennes impliquant un obscur serial killer. De 1968 à 1985, cet individu aura commis huit double-homicides avec le même modus operandi : des couples isolés dans leur véhicule, abattus par arme à feu (un Beretta 70 calibre 22) et à coups de couteau en pleine nuit autour de Florence ! La cerise sur le gâteau : le pubis des victimes féminines était prélevé par le tueur sans qu’on les retrouve…
Et si dans les années 90 quelques suspects ont été reconnus coupables de certains meurtres, des zones d’ombres persistent sur cette sordide affaire ayant défrayé la chronique italienne. L’identité de l’auteur principal de ces double homicides en série restera donc un mystère…. comme un certain Tueur du Zodiaque ! Et si le Monstre de Florence a déjà été le sujet d’œuvres en Italie, cette mini-série entend remettre une pièce dans un cas faisant fonctionner la boîte à cauchemars !
Anti-true crime
Et si les séries True Crime ont le vent en poupe (Monstre), Il Mostro contourne les codes des illustres références du genre (Zodiac, Memories of Murder, Mindhunter…) par son simple angle d’approche thématique. De plus, ce ne sont pas de simples exécutants derrière ce petit évènement : le réalisateur Stefano Sollima (Adagio, Sicario 2) s’associe à son comparse scénariste Leonardo Fasoli (Gomorra, ZeroZeroZero) !

Un duo de choc piloté par un des plus grands metteurs en scène européens contemporains (oui!), tandis que Le Monstre de Florence débute de manière frontale avec le double meurtre de l’été 1982 : deux jeunes amoureux se font brutalement assassinés par le tueur (le visage jamais montré), avant que les forces de l’ordre (symbolisées par la magistrate Silvia Della Monica) n’arrivent sur les lieux. On pense forcément au film de Fincher, mais Sollima prend son crime story par le bout opposé.
Poupées russes en Toscane
En effet, la série (re)démarre réellement en 1959, alors que Stefano Molle (Marco Bullitta) est dans un mariage arrangé par sa propre famille avec Barbara Locci (Francesca Olia, jouant le véritable cœur de la série), contre son propre gré. Une relation houleuse, jalonnée par le viol de leur locataire (Francesco Vinci, joué par le glaçant Giacomo Fadda) et un amour adultère avec le petite frère Salvatore Vinci (Valentino Mannias).
Le Monstre de Florence pourrait ainsi s’apparenter à une digression contextuelle, avant que le drame policier et procédural ne vienne court-circuiter la backstory présentée. Hors, c’est tout l’inverse ! Chaque épisode d’Il Mostro sera ainsi une nouvelle pièce d’un puzzle narratif retraçant près de 30 ans du cœur de cette affaire, dans une structure Rashomon-esque où chaque épisode s’incarne comme un chapitre centré sur le point de vue d’un des quatre protagonistes.

L’intrigue devient donc de plus en plus vertigineuse, et s’avère complètement accrocheuse en terme de pur suspense. Le meurtrier est-il Stefano, poussé par sa famille à tuer sa femme dévergondée suite à leur entaché ? Ou bien est-ce le frère Giovanni Mele, s’amusant à des jeux de mise en scène perverse auprès d’une soupirante suite aux premiers meurtres ? Est-ce que tout cela est connecté, même en 1974 ou en 1983 lorsqu’un couple homosexuel passe brutalement au trépas ?
Il était une fois en Italie
Stefano Sollima n’entend pas expliciter la réalité des faits : là encore Le Monstre de Florence ne s’intéresse aucunement aux suspects ayant été condamnés à posteriori des évènements. Stefano Sollima en revanche prend le pouls d’une époque et d’un climat où les principaux intéressés à l’éclosion de cette tuerie auraient pu tous être l’assassin ! Dans une ère de sensationnalisme et de voyeurisme où de tels faits divers aussi sordides et sanglants sont récupérés par le prisme du divertissement, les 4 épisodes nous confessent que n’importe qui peut être le tueur…
Dès lors, Il Mostro dépasse complètement son simple postulat de base digne d’une série true crime, mais devient testament et étude approfondie de personnages liée aux bouleversement sociologiques de l’Italie. Le réalisateur l’a bien compris, il s’agit d’une histoire purement italienne, à une époque où tout tourne autour de la famille (comme dans toutes les grandes histoires prenant place dans le botte) et de la masculinité (« Anges à sauver ou démones qu’il faut tuer ? » demande la magistrate dans une scène éloquente).

Une masculinité soit brisée (Francesco), soit toxique (Stefano), soit perverse (Giovanni)…où tout cela a la fois (Salvatore). Pour autant, Le Monstre de Florence n’est pas un récit binaire, explorant les rapports complexes (idéologiques, culturels) imposant cette frustration identitaire. Un pas de côté qui n’en est pas un, d’autant que le récit ré-actualise les informations au fil des épisodes (témoignages, mensonges révélés) au gré de l’investigation qui prend place dans les années 80. La vérité : une somme de points de vue !
La meilleure série Netflix de l’année
Et derrière une mécanique narrative sans faille, Il Mostro jouit d’un casting impeccablement dirigé dans une reconstitution d’époque exemplaire de la Toscane d’antan. Mais plus encore, la fabrication globale bénéficie du talent de mise en scène de Sollima (faisant d’une fuite de mariage quelque chose de quasi-Biblique via un traveling aérien gauche, ou de séquences en pleine nature de vrais instants de suspension surnaturels), et d’une photo texturée de Paolo Carnera (La Città Proibita). Bref, une superbe mini-série !
Le Monstre de Florence sortira sur Netflix le 22 octobre 2025
avis
Le Monstre de Florence n'entend pas lever le voile sur un mystère vieux d'un demi-siècle. Avec cette mini-série au puzzle narratif impeccablement agencé, Stefano Sollima sonde les arcanes d'un Mal puisant sa source dans le plus commun des environnements. Une étude de personnages superbement mise en scène, pour un des grands crus télévisuels de l'année !

