C’est sans nul doute l’évènement cinématographique de l’année : le grand Hayao Miyazaki (Princesse Mononoke, Le Voyage de Chihiro, Mon voisin Totoro) revient avec un nouveau film ! Le Garçon et le Héron s’impose instantanément comme une œuvre miraculeuse, à la beauté plastique ébouriffante et aux multiples grilles de lectures absolument passionnantes. Une merveille !
Le Garçon et le Héron est une œuvre ayant failli ne jamais voir le jour. Et pour cause : Hayao Miyazaki (82 ans cette année) avait annoncé sa retraite il y a 25 ans lors de la sortie de Princesse Mononoke, avant de véritablement s’y atteler en 2013 avec la sortie de Le Vent se Lève. Mais les habitudes ont la vie dure, et une décennie plus tard nous pouvons enfin découvrir le nouveau film d’un des plus grands cinéastes de tous les temps !
En effet, Le Garçon et le Héron se présente comme le film japonais le plus cher de l’Histoire, confectionné durant plus de 7 ans. Librement adapté du roman « Comment vivez-vous ? » de Genzaburō Yoshino, mais aussi de la propre enfance de Miyazaki, l’histoire débute en 1943 en pleine Seconde Guerre mondiale. Nous rencontrons le jeune Mahito, désespéré et courant à travers foule pour rejoindre l’hôpital en feu où travaille sa mère.
Dans le terrier du héron
Quelques temps plus tard, le père de Mahito s’est remarié avec Natsuko (la petite sœur de sa défunte femme), et ensemble s’aventurent en pleine campagne dans la maison familiale. C’est alors que Mahito fera la découverte d’un mystérieux héron cendré capable de parler, ainsi que d’une ancienne tour délabrée dans les bois avoisinants. S’aventurant en son sein, ce sera le début d’une formidable aventure dans un autre monde, peuplé de personnages et lieux fantastiques.
En découvrant les prémices de Le Garçon et le Héron, on pense forcément aux précédentes œuvres du cinéaste, ou bien à l’aspect « coming-of-age story dans un nouveau monde » cher au Voyage de Chihiro. Et le film s’inscrit évidemment dans cette lignée caractéristique du réalisateur, tout en continuant de manière logique son œuvre filmique. Si Le Vent se Lève semblait s’apparenter à une parenthèse réaliste et désenchantée, Le Garçon et le Héron se veut à la fois son anti-thèse et sa continuité !
Ce n’est d’ailleurs pas anodin si l’on retrouve cette figure paternelle travaillant dans l’usinage de pièces d’avion, un trauma originel de mort maternelle (le versant autobiographique donc) ou encore un prologue tout simplement saisissant dans un contexte de conflit (là où Le Vent se Lève se terminait).
Miyazaki au sommet de son art
Dès lors, Le Garçon et le Héron débute de manière jumelée avec un aspect réaliste, mortifère et misanthrope prononcé. Comme dans le cinéma de Ozu, Miyazaki s’attarde avec une simplicité déconcertante à retranscrire les détails du quotidien pour mieux ancrer le spectateur, avant que le fantastique ne fasse irruption par petites touches inquiétantes. Des saillies entre rêve et cauchemar qu’un certain Satoshi Kon (Paprika) n’aurait pas reniées !
Mais très vite, Le Garçon et le Héron embrasse complètement le fantastique pour nous mener dans un monde onirique empli de symboliques et personnages-clés dans le développement de Mahito. Là encore, Chihiro ne semble pas loin mais la démarcation se fait ici via une douce mélancolie globale et une multiplicité de grilles de lectures toutes plus fascinantes les unes que les autres.
D’une île perdue au milieu de souvenirs de navires échoués jusqu’au jardin paradisiaque gardé par un vieux mage, en passant par la présence de volatiles anthropomorphiques mangeurs d’hommes et d’une fille aux pouvoirs pyrotechniques, Le Garçon et le Héron déploie avec aisance sa fantasy par un regard extrêmement mature. Autant d’outils pour dépeindre un monde crépusculaire donc, malgré son aspect verdoyant et chaleureux de prime abord !
Thérapie fantastique
Chacun pourra tirer ses conclusions, mais il est évident que Le Garçon et le Héron propose en filigrane toute une odyssée rédemptrice pour son personnage (et Miyazaki donc). Tel un purgatoire fantasmagorique, tout concourt à parfaitement illustrer le combat de Mahito face au deuil, et sur la nécessité d’avancer dans un monde où le conflit et la mort sont prépondérants.
Comment vivez-vous ? Que faire de ce monde ? Le titre du livre original (placé intra-diégétiquement dans le film d’ailleurs) est la clé littérale de compréhension de Le Garçon et le Héron, véritable nouvelle grande pièce dans l’édifice thématique et de transmission d’Hayao Miyazaki.
Il aura fallu un mois pour produire une seule minute de film ces 7 dernières années, et inutile de dire que le résultat se sent d’emblée à l’écran, en nous proposant une véritable merveille d’animation japonaise traditionnelle. Certes, la même année nous avons eu le sublime Suzume, mais ce que Ghibli et Miyazaki parviennent à achever dans un élan artisanal relève du pur miracle.
Chef-d’œuvre d’animation
On notera plusieurs moments d’anthologie (comme cette fabuleuse séquence impliquant des papiers volants ou bien la manière de faire figurer plusieurs volatiles bougeant en même temps) ainsi que bon nombre de plans faisant presque office d’œuvres d’art dignes d’une toile de maître. Pour accompagner ce superbe écrin visuel et artistique, Joe Hisaishi revient évidemment nous proposer une magnifique partition planante contribuant au mystère global, puis rapidement à l’aspect poétique et émotionnel du métrage.
Une émotion toute en retenue, contrôlée et distillée sans esbroufe lacrymale ni violon. C’est avec cette dose de simplicité pleine de pureté que le grand Hayao Miyazaki nous revient avec un nouveau chef-d’œuvre qui n’a sans doute pas dévoilé tous ses secrets. Le Garçon et le Héron est tout simplement le meilleur film de l’année, et un évènement cinématographique immanquable !
Le Garçon et le Héron sortira au cinéma le 1er novembre 2023
avis
Le Garçon et le Héron est une nouvelle preuve qu'Hayao Miyazaki est un des plus grands cinéastes de tous les temps, et un formidable artisan de l'animation. En résulte un pur bijou dont la violence, la poésie et l'émotion nous émerveillent pour mieux nous interpeller vis-à-vis de notre propre condition humaine. Une pure merveille instantanément culte !