La tresse est une adaptation du roman à succès qui entremêle de manière surprenante les destins de trois femmes résilientes et combatives.
La tresse nous amène à suivre, sur trois continents, le parcours de trois femmes aux cultures et aux vies très différentes. Chacune d’elle, pourtant, aspire à échapper à quelque chose qui l’entrave, la contraint. Et à se battre contre le destin qui lui semble réservé.
Ce récit très contemporain et rempli d’espoir est avant tout une ode à l’humanité, à la solidarité et à la résilience. Dans une adaptation fidèle à la construction habile du roman de Laetitia Colombani, Hélène Arden donne vie sur scène à ces femmes courageuses dans un spectacle épuré, rempli de sincérité.
Un récit à trois voix
C’est d’abord Smita que nous découvrons sur scène. Nous sommes en Inde, la jeune femme est une Intouchable. Cette minorité persécutée, marginalisée et stigmatisée, est condamnée à « nettoyer la merde des autres ». Mais Smita rêve d’une autre vie pour sa fille, d’éducation, de liberté. Du rêve à la réalité, un pas parfois immense, mais pas impossible à franchir…
En Sicile, nous retrouvons ensuite la pétillante Giulia, qui travaille dans l’atelier de son père. Mais tandis que ce dernier est victime d’un accident, elle découvre que l’entreprise familiale est au bord de la ruine. Pas question pour elle de baisser les bras, elle doit alors trouver un moyen d’éviter le pire…
Et puis nous arrivons au Canada où, Sarah, une avocate talentueuse et réputée, apprend qu’elle est malade. Malgré les traitements et l’épuisement, elle décide de ne rien dire à personne au sein de son cabinet pour que les requins qui l’entourent ne l’engloutissent pas… C’est un combat qu’elle mènera et gagnera seule, comme tous les autres, sa convainc-t-elle.
« Je ne suis plus une avocate malade. Je suis une malade, avocate. »
Alternativement donc, dans un enchainement de scènes très courtes, la comédienne nous immerge dans ces récits de vies qui n’ont rien en commun, et ne sont pas amenées à se croiser. Enfin, à priori…
Une intrigue habilement tressée
À moins d’avoir lu le livre (ce qui était d’ailleurs le cas d’une bonne moitié de la salle le soir de notre venue !), on se demande où ces récits vont nous mener, s’ils vont se rejoindre quelque part et quel est le lien qui peut les unir. Hormis bien sûr ces luttes intimes vers différentes formes d’émancipation. Aussi, quand cette idée de tresse prend enfin tout son sens, de manière très inattendue et parfaitement amenée, l’œuvre se déploie et prend une dimension nouvelle. L’émotion, alors, peut enfin jaillir.
Pour autant ce n’est jamais simple, lorsqu’on part d’une lecture, que l’on s’est construit un univers imaginaire et que l’on s’est représenté les différents personnages, de se voir proposer une adaptation visuelle, qu’elle soit théâtrale ou cinématographique. Le principal défaut du livre étant probablement d’être assez court et de ne pas prendre suffisamment de temps pour explorer l’existence de chacune de ces femmes, cela se retrouve inévitablement aussi dans la pièce. Mais difficile de le lui reprocher.
Une adaptation réussie ?
Globalement oui. L’ensemble fonctionne très bien, même si, dans les dix premières minutes, l’absence de décor et de musique ralentit notre immersion dans le récit. Mais la forme apparaît un peu plus travaillée à mesure que chacune de ces histoires se tisse. Et l’on retrouve la dynamique, le rythme et la progression tout en finesse de l’intrigue de la plume de Laetitia Colombani.
Quelques petites réserves toutefois, notamment quant au côté un peu trop « joué » par moments. Un résultat lié à ce choix de mise en scène qui donne de temps à autre à la pièce des airs de one-woman show. Ce qui nous a un peu troublés et éloignés de l’émotion. Tout comme la manière assez peu nuancée de recourir fréquemment à la colère pour chacun des personnages.
Et puis, si nous avons aimé retrouver le côté solaire qui émane de Smita quand Hélène Arden se glisse dans la peau de l’italienne, nous avons en revanche été déroutés par le personnage de Sarah, l’avocate. En effet, celle-ci est rendue arrogante, froide et, de fait, assez antipathique alors que nous l’avions perçue tout à fait autrement dans le roman. Malgré son côté sûre d’elle et déterminé, elle nous semblait tout de même dégager davantage de douceur et de lumière.
Une pièce interprétée avec le cœur
Mais ce que l’on retiendra surtout, c’est la passion et la générosité qui émanent du jeu d’Hélène Arden. On sent qu’il tient à cœur à la comédienne de rendre hommage à ces destins de femmes, de faire entendre leurs voix, de transmettre les messages et les valeurs qu’ils véhiculent. Elle passe d’ailleurs d’un personnage à l’autre sans jamais perdre l’équilibre, chacun d’eux solidement campé, sans autre accessoire ni artifice qu’un châle qu’elle utilise de différentes manières.
Et si la comparaison s’impose forcément et que le roman gardera notre préférence, c’est néanmoins un joli moment que nous offre cette adaptation. Car le message reste beau, et la comédienne nous le transmet avec simplicité et sincérité. Et ses petits défauts n’empêchent aucunement la pièce de nous captiver et de laisser le public (l’autrice du roman comprise !) conquis, à juste titre.
La tresse, de Laetitia Colombani, adapté par par Hélène Arden, mise en scène de Valery Rodriguez, avec Hélène Arden, se joue les samedis à 17h, les dimanches à 19h, les lundis à 21h et les mardis à 19h, à La Comédie Bastille.
Avis
Si quelques détails, ça et là, nous ont un peu laissés sur notre faim, cette adaptation théâtrale du premier roman de Lætitia Colombani parvient toutefois à restituer le charme et la puissance de l’œuvre originale. Une pièce à la résonance universelle et pleine d'espoir.