Yolande Moreau se frotte pour la troisième fois à la réalisation de fiction avec La fiancée du poète, pour lequel elle a également reçu le prix du meilleur scénario au festival du film francophone d’Angoulême. Mais ses talents d’écriture et de mise en scène sont-ils à la hauteur de son jeu d’acteur ?
Dans La fiancée du poète, on suit Mireille Stockaert (Yolande Moreau) qui revient dans sa maison d’enfance, abandonnée depuis de nombreuses années, en pleine campagne proche de Charleville-Mézières. Face à sa solitude dans une si grande maison, ainsi qu’au coût de la rénovation de celle-ci, que son emploi de cantinière et son trafic de cartouches de cigarettes financeraient difficilement, notre héroïne va décider de faire des chambres d’hôtes. Viendront donc un étudiant des beaux arts, un jardinier en procédure de divorce, et un mauvais guitariste anglophone pour tenir compagnie à Mireille dans le grand vide de son cœur.
Car comme le nom du film l’indique, cette dernière vit dans le souvenir d’un poète qu’elle a fréquenté, et qui est resté son grand amour, même après sa mort. Elle va donc chercher le goût de la vie à travers ses nouveaux locataires. Le film se présente alors comme une comédie dramatique autour d’une famille de substitution recomposée, dont les membres vont apprendre à se connaître et à s’aimer.
Besoin de mise en scène ?
Comme on pouvait s’y attendre avec une réalisatrice peu expérimentée, l’originalité de la mise en scène n’est pas au rendez-vous. Elle est en effet vraiment très académique donc fonctionnelle, et rend le film lisible, compréhensible et cohérent, mais n’en fait pas une grande œuvre du cinéma, malgré un travail assez remarquable au niveau des sons d’ambiance. Aucune scène n’est réellement marquante, mais ce n’est de toute façon pas la prouesse technique que l’on vient chercher dans La fiancée du poète.
La grande force du film se situe donc dans l’écriture, notamment de ses personnages, tous interprétés avec brio. On peut remarquer la présence au casting des anciens comparses de Yolande Moreau chez les Deschiens (François Morel et Philippe Duquesne), mais également celle de Sergi Lopez, César du meilleur acteur pour son rôle dans Harry un ami qui vous veut du bien. Cette richesse dans le jeu d’acteur nous permet donc d’avoir des personnages touchants, dont les liens paraissent réels, et c’est là que se situe la substance de La fiancée du poète. Pas besoin de grandes péripéties, ou d’une réflexion profonde sur notre société pour faire un bon scénario, mais seulement des êtres humains quelque peu extravagants que l’on suit dans leurs interactions suffisent.
Feel good français
On va donc suivre nos protagonistes dans leur quotidien, au sein de cette nouvelle famille, qu’on pourrait au départ croire que rien n’unit. Ils vont pourtant se rejoindre dans leurs parcours de vie, qui les ont amenés à s’échouer dans cette maison abandonnée, et se redécouvrir auprès de Mireille. Elle nous invite nous aussi à la rejoindre, car on ne peut rester insensible à tant de sentiments humains. On partage les peines et les bonheurs de nos héros, on veut en apprendre plus à leurs sujets, sur leurs vie, leurs amours et leurs passions. On aimerait être le confident de Mireille et l’écouter parler de son poète disparu, ou bien s’asseoir auprès du feu et partager une bouteille de vin en écoutant un morceau de guitare mal interprété, mais quelle importance, car nous sommes entourés de gens que l’on aime.
C’est bien là que réside tout l’intérêt du feel good movie qu’est La fiancée du poète : faire passer un bon moment au spectateur, donner le sourire devant des personnages attachants, à la manière du Be Kind Rewind de Gondry. Ce n’est pas un monument du cinéma, ni même de l’humour, mais qu’est ce que ça fait chaud au cœur en ce début d’automne. Alors certes, on ne découvre rien de vraiment nouveau dans ce film, rien d’original, rien qui ne sorte du lot, dans l’écriture, la mise en scène ou même les thèmes abordés, mais le métrage ne se veut clairement pas ambitieux à ce point. On ressent la volonté de Yolande Moreau de parler avec son cœur de son rapport à la famille, aux relations humaines, de manière très simple. C’est banal, mais touchant, et ça fonctionne bien.
La fiancée du poète est sorti au cinéma le 11 octobre 2023
AVIS
En ce début de refroidissement des températures, mais encore trop tôt pour la période de Noël, c'est exactement le genre de film dont on a besoin. Sans prétentions, mais qui parle à notre cœur et nous réchauffe, La fiancée du poète a su combler nos attentes.