Gros carton de ce début d’année sur Netflix, La Demoiselle et le Dragon (« Damsel » en VO) entend offrir un coup de polish au conte de fée et au mythe de la princesse sauvée du dragon par le preux chevalier. Un métrage non sans qualité, mais terni par un script enchaînant les facilités.
Cela faisait quelques années qu’on avait perdu Juan Carlos Fresnadillo, cinéaste espagnol émérite qui s’est fait connaître avec Intacto, mais surtout avec 28 semaines plus tard en 2007. Après un terriblement décevant Intruders, le voilà de retour plus de 10 après avec La Demoiselle et le Dragon. Un récit au pitch plutôt aguicheur, renversant les codes du genre dans une approche résolument féministe.
En effet, de La Belle eu Bois dormant jusqu’à Shrek, en passant par le film matriciel Dragonslayer (film Disney malheureusement oublié proposant LE dragon père de tous les gros lézards que l’on verra ensuite sur grand écran), la vision traditionnelle de ce type d’histoire puisait dans les anciens contes hérités des légendes germaniques.
Millie Bobby Brown vs Dragon
Soit un royaume menacé par un dragon, retenant captif une princesse qui attend patiemment son preux chevalier. Ce dernier devant ainsi braver les épreuves, triompher de la créature, embal..épouser la princesse et vivre heureux ! La Demoiselle et le Dragon entend donc actualiser ce mythe, tout en étant un film-véhicule star pour Millie Bobby Brown (Stranger Things, Enola Holmes).
Le film nous présente donc Élodie, fille de Lord Bayford (Ray Winstone), qui va recevoir une proposition pour épouser le prince du royaume d’Aurea. Un mariage faisant figure de réelle aubaine, étant donné que les Bayford sont une famille roturière, et que la famille Aurea a tout de la belle-famille parfaite. Malheureusement, ce mariage se révèlera être un sombre stratagème..
En effet, des jeunes femmes sont offertes en pâture à un dragon depuis des siècles,dans le but de calmer son courroux. Prisonnière de sa tanière, Élodie devra redoubler d’ingéniosité et de pugnacité pour sortir indemne de cette montagne, mais également triompher du fameux dragon.
Princesse avec son glaive
Si la nature de Damsel semble dans l’ère du temps, l’approche voulue a aussi pour elle de renverser le concept de cloisonnement d’un protagoniste pour amener un aspect plus proactif. Dès lors, le film lorgne donc vers le survival (le spectre d’Ellen Ripley et du xénomorphe plane toujours !). De plus, La Demoiselle et le Dragon arrive efficacement à planter le décor.
D’un flashback nous introduisant rapidement la menace, jusqu’à la présentation éclair des divers personnages, on ne perd pas de temps avant qu’Élodie ne soit prisonnière de la tanière du dragon. Pourtant, le projet semble tout aussi rapidement bicéphale en terme d’intention ou d’exécution, en passant par la fabrication du métrage.
Ainsi, le film oscillera entre effets visuels bluffants (le dragon au look à la fois félin et reptilien accentué par la voix de Shorhreh Aghdashloo) et Volume criard (globalement tout le décor de grotte), instants de mise en scène plus viscéraux (les blessures subies par l’héroïne, quelques accents de violence) et grammaire visuelle à peine digne d’une série TV.. Bref, le réalisateur semble parfois sortir la tête du lot, mais son expression demeure malheureusement muselée.
Fantasy sans fantaisie
Même au rayon de la production design le film s’avèrera rapidement décevant malgré son budget de 70 millions (et le peu de décors réels). Une direction artistique signée Patrick Tatopoulos, célèbre créatif ayant fait les beaux jours de la SF avec Stargate, Dark City ou Pitch Black, mais qui depuis plusieurs années semble abonné aux univers génériques (Maléfique, Transformers Rise of the Beasts, Batman v Superman).
La facture Netflix nuit donc aux velléités artistiques du métrage, ressemblant en fin de compte à un pur produit streaming à intervalles réguliers : l’absence totale de figurants ou de vie dans le royaume d’Aurea est par ailleurs criant de facticité, jusque dans la garde-robe semblant vouloir nous ramener aux douloureux souvenirs du Lancelot de Jerry Zucker.
Suspension d’incrédulité requise
Passés ces éléments, il faut néanmoins avouer la bonne tenue rythmique du récit, et une photographie de Larry Fong (chef opérateur de Watchmen ou 300) capable de donner un peu de texture aux intérieurs. Mais surtout, Millie Bobby Brown s’avère être encore une fois une belle trouvaille, campant une héroïne déterminée comme il faut.
Convaincante dans la physicalité frêle de son personnage qui va être malmenée (calmons-nous, nous ne sommes pas dans Predator non plus), c’est elle qui porte le film. En résulte un métrage plutôt divertissant, mais dont il faudra mettre de côté toute analyse immédiate en dépit du bon sens, alors que La Demoiselle et le Dragon enchaîne les facilités (des indications sur les murs en passant par les ellipses jour/nuit, jusqu’au dragon qui semble lire le script et disparaître selon le bon gré du scénariste) plus ou moins nuisibles.
La Demoiselle et le Dragon est sorti sur Netflix le 8 Mars 2024
avis
Loin d'être réussi, La Demoiselle et le Dragon évite le loupé de par un rythme bien gêré, un des plus beaux dragons vus dans un long-métrage depuis bien longtemps, et une Millie Bobby Brown impliquée qui porte le projet avec aisance. Pour le reste, difficile de faire fi des multiples facilités et imprécisions d'un script conçu comme un gruyère, que même son talentueux réalisateur ne peut complètement réhausser. Un téléfilm parfois sympathique, mais complètement oubliable !