La Couleur Pourpre revient au cinéma ! Exit la version culte de Steven Spielberg, ce nouveau film réadapte le roman épistolaire d’Alice Walker en se basant sur la comédie musicale éponyme de Broadway. Le résultat est malheureusement en demi-teinte, la faute une expurgation de l’horreur du récit.
Si vous êtes un être humain normalement constitué, La Couleur Pourpre devrait résonner en vous comme le cultissime film de Steven Spielberg avec Whoopi Goldberg, Danny Glover et Oprah Winfrey. Un récit poignant prenant place dans une Géorgie post-esclavage au début du XXe siècle, où nous suivions le destin de Celie. Une jeune femme afro-américaine à qui on avait arraché son enfant (issu du viol par son père), sa sœur et sa propre liberté, alors qu’elle est mariée à un homme violent.
Blues épistolaire
Une histoire relativement inoubliable, profondément ancrée dans le paysage culturel alors qu’il s’agissait du premier film de Steven Spielberg, pleinement reconnu par ses pairs et la critique de l’époque (9 nominations aux Oscars !). Pourtant, La Couleur Pourpre est bien un roman à la base (lauréat du Prix Pulitzer en 1983), qui avait d’ailleurs subit une deuxième adaptation en 2005 sur les planches de Broadway. Jamais deux sans trois donc, alors que Warner Bros veut fusionner les deux précédentes en un nouveau métrage.
Ainsi, cette nouvelle version de La Couleur Pourpre reprend du début à la fin le fameux récit de Celie sur 30 ans, de jeune fille idéaliste à femme battue, découvrant le sentiment amoureux auprès de Shug Avery (la muse de son violent conjoint) ou encore un féminisme prisonnier avec Sofia. Bref, pour les connaisseurs pas de surprises, si ce n’est que le métrage est ponctué de numéros musicaux, comme toute comédie musicale.
Mariage d’influences
Mais rapidement, un problème s’impose, tant le mariage des deux (le drama historique révolté et la légèreté entraînante du musical) s’auto-amenuise régulièrement. Rien de complètement rédhibitoire ou antinomique, d’autant que la comédie musicale n’a jamais été simplement synonyme d’histoire enfantine ou légère (en dépit de ce que certains allergiques au genre diront). Au contraire, West Side Story, Pink Floyd’s The Wall, Chicago ou même Moulin Rouge! savaient efficacement naviguer entre les deux.
Le souci avec La Couleur Pourpre, est que cette itération ne parvient pas suffisamment à se démarquer de ce qui l’a précédé : en dehors des moments musicaux bien trouvés, on se retrouve finalement avec un remake légèrement dévitalisé (voire aseptisé pourront dirent les mauvaises langues) du film de 1985. Une impression qui peut d’ailleurs être cristallisée par la finalité du personnage profondément antipathique d’Albert (joué avec entrain par Colman Domingo), ici bien amoindrie dans une optique de célébration.
Un parti-pris plus lumineux et léger qui offre donc aux néophytes de La Couleur Pourpre une jolie porte d’entrée grand public, mais qui dessert les velléités créatives et la charge contestataire du récit de base. C’est bien dommage, car même si le réalisateur Blitz Bazawule (avant tout clippeur chez Beyonce pour Black is King) filme de manière très illustrative les séquences de dialogue, il parvient à amener une scénographie soignée typique des shows de Broadway lors des divers numéros musicaux, sans impression d’aplanissement.
Casting séduisant
Le spectacle est donc là à ce niveau, d’autant qu’amener le blues (complètement corrélé avec la culture afro-américaine) au sein de La Couleur Pourpre est tout à fait cohérent, renvoyant à l’aspect cathartique de cette histoire. Et pour porter les diverses chansons réussies du métrage, le casting de talent arrive à se mouvoir sans forcer dans les divers registres.
Néanmoins, si Fantasia Barrino ou encore Dominique Hooks campent des Cellie/Sofia tout à fait convaincantes, difficile d’égaler la performance et le degré d’incarnation de Goldberg/Winfrey. Mais dans une distribution peut être moins marquante, on retiendra plus Taraji P.Henson en une Shug Avery plus incandescente que jamais, ou bien la pétillante Haille Bailey en jeune Nettie.
Malgré les qualités intrinsèques du récit ou l’implication de son casting, on ressort de La Couleur Pourpre version 2023 avec la fâcheuse impression que cette nouvelle itération représente à la fois un apéritif pour les néophytes, ou bien un curieux doudou plutôt aseptisé de l’œuvre originale. Loin d’être déplaisant lorsqu’il s’agit d’un pur musical de Broadway, on se reverra sans doute la version de Spielberg à l’avenir !
La Couleur Pourpre sortira au cinéma le 24 janvier 2024
avis
La Couleur Pourpre n'est pas un mauvais film, c'est même une bonne comédie musicale de Broadway. Mais cette nouvelle adaptation singe un peu trop le très bon film de Spielberg pour en amener une version plus dévitalisée dans ses thématiques contestataires qu'on en ressort avec l'impression tenace que le métrage de 1985 reste encore aujourd'hui une sacrée référence !