Le gros blockbuster estival est là avec Kalki 2898 AD, fresque de science-fiction mêlant les genres avec la mythologie hindoue. Plus gros budget de l’Histoire du cinéma indien, cette introduction a un nouvel univers aussi singulier est une réjouissante réussite !
Cela fait déjà quelques années que Kalki 2898 AD se fait attendre. D’abord teasé comme Projet K ou Prabhas 21 (car 21e film de la star de Baahubali et Salaar), ce blockbuster à 72 millions de dollars est le plus gros budget de l’Histoire du cinéma indien ! Mis en scène par Nag Ashwin après le succès du biopic Mahanati en 2019, cette incursion dans le cinéma à grand spectacle est à la fois un pari relativement audacieux autant que totalement dans la mouvance des films épiques indiens.
Le film indien le plus cher de l’Histoire
En effet, depuis quelques années déjà on voit non seulement un essor du film d’action mythologique indien (dont le récent Ponniyin Selvan), mais avant tout une grande percée du cinéma Tollywoodien et tamil (dont S.S. Rajamouli semble désormais être le fer de lance via RRR). Tout comme le cinéma chinois, des traditions ancestrales héritées de textes et légendes sacrées viennent irriguer la narration de récits modernes, mais avec une universalité rare !
Kalki 2898 AD débute il y a 6000 ans, retraçant la guerre du Mahabharata, un conflit prenant place à pendant le 4e Yuga (les Yuga étant des grands cycles dans la cosmologie hindouiste). Rapidement, le récit nous emmène donc à la fin du millénaire, dans un monde post-apocalyptique où la cité de Kali semble être la dernière ville de l’humanité. Tout comme dans Gunnm, ce bidonville est surplombé par le Complexe, une mégastructure sous forme de pyramide inversée concentrant toutes les richesses du leader despote Suprême Yaskin.
Ce dernier insémine toutes les femmes fertiles d’un mystérieux sérum dans le but de trouver Kalki, le 10e avatar et dernière réincarnation du Dieu Vishnu. Une quête de pouvoir absolue qui sera contrecarrée par la fuite de Sum-80 (la superstar Deepika Padukone) qui va rencontrer Ashwatthama (Amitabh Bachchan), un Dieu présent au début de la guerre ancestrale, et Bhairava (Phrabas), un chasseur de primes au passé mystérieux.
Entre traditions mythologiques et universalité moderne
Un point de départ de cinéma dystopique post-apo aux velléités monomythiques clairement identifiées (le chasseur de primes solitaire à la vanne facile qui sera embrigadé dans un mouvement de rébellion plus grand ; la mère du salut de l’humanité : le vieux sage déchu sur la voie de la rédemption..). Un terreau qui se révèle donc relativement universel, à base de rébellion matérialisée par la cité cachée de Shambala devient moteur d’une guerre sous-jacente à venir et motif d’espoir face à un régime totalitaire là encore très Star Warsien (pas de simili-troopers mais presque).
Mais ce qui différencie immédiatement Kalki 2898 AD du tout venant actioner- blockbusteresque science-fictionnel tient dans son identité profondément indienne, qui se ressent à tous les niveaux de fabrication du métrage ! Outre une musique de Santhosh Naranayan, la direction artistique se veut finalement unique, convoquant toute l’imagerie mystique de la mythologie sanskrite à son décorum SF.
C’est d’ailleurs sur ce dernier versant que le film mise avant tout, proposant même des designs semblant parfois plus hériter de la BD ou du comic book. En particulier concernant la voiture-robot nommée Bujji (véhicule entièrement construit et fonctionnel !), petite merveille pour tout geek en puissance (qui se transforme ensuite en mecha-gorille du plus bel effet) et personnage à part entière de Kalki 2898 AD.
Film le plus cher du cinéma indien certes, mais l’argent se ressent à chaque plan : la finition de certains fonds verts n’est évidemment pas aussi parfaite que dans certaines superproductions occidentales, mais l’univers déployé reste tangible, usant d’énormes sets entièrement construits et d’un tas de costumes effarants. Un monde texturé, palpable, et étrangement crédible malgré son côté débridé.
Kalki 2898 AD : du blockbuster aussi généreux qu’inspiré
Une générosité typique du cinéma telugu, jusque dans des scènes d’action pêchues parfois même digne d’un shonen : que ce soit un affrontement mano-à-mano contre un Dieu de 2m de haut ou bien le climax ample convoquant toute une imagerie mythologique, on se retrouve avec Kalki 2898 AD face à du grand spectacle généreux n’oubliant pas non plus ses personnages. Outre le charisme de Prabhas, la douceur cinégénique de Deepika Padukone ou la badasserie de Bachchan, c’est aussi dans certains seconds rôles que l’histoire trouve sa substantifique moelle (comme ce couple de rebelles immédiatement attachants avant de périr face à l’ennemi).
Associée à une photographie de belle facture, Kalki 2898 AD est du blockbuster comme on ne semble plus vraiment enclin à en faire en Occident (mis à part les patrons Cameron ou Miller), à savoir des oeuvres-monde singulières plongeant tête la première dans l’exploitation de genres, mais bercée d’une cosmogonie à la portée universelle. Bref, on veut déjà la suite !
Kalki 2898 AD est sorti au cinéma le 27 juin 2024
avis
Kalki 2898 AD est une nouvelle preuve que le cinéma du sud de l'Inde est le nouveau terreau fertile pour des récits à grands spectacles n'oubliant jamais leur substantifique moelle mythologique. D'un point de départ profondément ancré dans la tradition du pays, Nag Ashwin propose un blockbuster aussi généreux que jubilatoire, à la fabrication soignée et aux scènes d'action inspirées, dopées par un casting 4 étoiles (Prabhas, Deepika Padukone..). La naissance d'une nouvelle saga à suivre donc !