J’aimerais arrêtée est l’histoire vraie de Sonia, une étudiante en situation de prostitution, qui lance un appel à l’aide sur internet.
J’aimerais arrêtée : une histoire vraie « mot pour mot, fautes comprises ». Pas d’inquiétude, donc, nous n’avons pas égaré notre conjugaison quelque part dans les rues du festival ! Une faute qui aura d’ailleurs un joli sens à révéler… Une pièce sublime, forte et nécessaire.
L’appel à l’aide d’une jeune étudiante
Ce sont d’abord des voix d’hommes qui se font entendre, résonnent à un rythme qui s’accentue jusqu’à former une sorte de brouhaha. Elles disent les attentes, les désirs, les fantasmes dont ces hommes font part à Sonia. Et nous voilà plongés dans le vif du sujet. Sonia va avoir 22 ans. Elle se prostitue depuis plus d’un an pour affronter une situation financière difficile à laquelle un job étudiant payé 7€ de l’heure ne lui permettait pas de faire face… De l’argent rapide, mais loin d’être facile.
Sonia aimerait ne plus passer 2h par jour sous sa douche pour tenter de se défaire d’une souillure qui lui colle à la peau. Alors, un jour, elle envoie un mail à une association pour essayer d’obtenir de l’aide. « J’aimerais arrêtée » écrit-elle. Ces mots, c’est François qui les reçoit, un bénévole. Dès lors, aider la jeune femme à s’en sortir – et non la sauver, la nuance est nécessaire et parfaitement explicitée – devient pour lui une priorité. Un échange régulier de mails se met en place entre eux et, très vite la confiance s’installe. Grâce à lui Sonia se sent moins seule, entendue, comprise. Il devient son confident. Et l’espoir d’une autre vie possible grandit, même si le parcours ne s’annonce pas simple…
Un duo d’une grande sensibilité
Cette pièce nous attrape dès le début et ne nous lâche pas. Par son histoire poignante, essentielle à entendre et pourtant trop rarement porté à la scène ou à l’écran ; par son rythme prenant qui fait alterner le récit de Sonia et celui de François à travers les mails qu’ils échangent ; par la formidable interprétation de ces deux artistes qui donnent vie au récit avec une magnifique sensibilité et forment un duo aussi touchant qu’attachant. La tendresse et la complicité qui naissent entre eux est belle à voir.
En effet, Charline Freri est une révélation. Son jeu juste et nuancé dévoile une très belle présence et nous donne d’entrée de jeu envie de nous intéresser à son personnage, d’essayer de le comprendre. Inévitablement, nous sommes touchés par par les émotions qu’elle traverse, par la dureté de ce qu’elle vit et qui est devenu pour elle la banalité. Et, tout comme François, on aimerait lui tendre la main. Un rôle dans lequel Aliocha Itovich se fond à merveille. Le comédien imprègne son personnage d’une bienveillance réconfortante et d’une générosité humble.
J’aimerais arrêtée : une pièce belle et puissante
Sonia est portée par une soif de vivre, d’aimer, l’espoir d’une vie meilleure. Parfois, pourtant, François craint qu’elle se mette en danger… Ces instants dans lesquels elle semble « lâcher sa main » sont joliment mis en mouvement par la mise en scène de Violaine Arsac, dont nous suivons avec beaucoup d’attention le travail depuis Les Passagers de l’aube, l’un des grands succès des éditions 2018 et 2019 du Festival OFF.
Une mise en scène tout en intelligence et en subtilité, comme toujours, dans laquelle on retrouve ici encore l’empreinte à la fois contemporaine, poétique et sensible qui est la sienne. Tout comme l’importance accordée au mouvement, à l’expression par le corps de ce qui sommeille, vit, surgit des personnages et de leurs contradictions. Une mise en mouvement qui permet d’aborder certains points du récit avec pudeur, sans basculer vers une forme malsaine de voyeurisme.
Ce qui donne lieu à quelques très jolis moments qui sont venus nous bouleverser, portés par la musique de Stéphane Corbin que l’on retrouvait sur la précédente création de Violaine Arsac, Bien au-dessus du silence. Comme la violence des gestes d’un homme à son égard que Sonia mime en glissant son bras dans la manche d’une veste de costume suspendue, représentation symbolique de tous ces hommes qui font appel à elle. Quant au texte poignant de François Wioland, il transmet beaucoup en matière de respect de l’autre, d’écoute, de bienveillance, tout en reflétant l’importance de ne pas outrepasser son rôle de soutien. Et si nous aurons réussi à la retenir tout au long du spectacle, une larme finira par couler devant cette conclusion aussi belle qu’inattendue. Bravo !
J’aimerais arrêtée, de François Wioland, adaptation et mise en scène Violaine Arsac, avec Charline Freri & Aliocha Itovich, se joue du 29 juin au 21 juillet 2024 à 14h40 (relâche les mercredis) au Théâtre la Luna.
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Avis
Tout est beau dans ce merveilleux spectacle où l'ombre ne cède jamais complètement à la lumière. On est transporté par l'interprétation de ces deux comédiens qui imprègnent leurs personnages d'une profonde et bouleversante humanité. Le propos est fort et porté avec beaucoup d'intelligence. Une pièce qui mérite de résonner fort, à Avignon et ailleurs.