Inexorable est le nouveau film du belge Fabrice du Welz (Adoration, Message from the King). Un thriller qui court-circuite rapidement son scénario balisé par une mise en scène des plus immersives, un casting des plus réussis et un Benoît Poelvoorde dans un de ses tous meilleurs rôles !
Fabrice du Welz est un cinéaste francophone en exercice depuis près de 20 ans, et pourtant son nom n’est jamais réellement cité. Habitué au film de genre, en particulier le thriller, il signe ici son septième long-métrage avec Inexorable ! Après le poétique Adoration, le réalisateur belge revient à un exercice plus tenu et anxiogène, retrouvant Benoît Poelvoorde par la même occasion afin de brillamment utiliser ses performances d’acteur dramatique !
Prémices familières
Inexorable nous présente Marcel Brehlmer, un écrivain à succès, ainsi que sa femme Jeanne, désormais à la tête de la maison d’édition familiale. Ce couple parents d’une petite fille décide d’emménager dans leur grande demeure en pleine campagne, faisant partie de leur héritage. Au même moment, une mystérieuse jeune femme du nom de Gloria débarque et va petit à petit s’immiscer dans leur vie. Des prémices d’home invasion pas si éloignés d’un Funny Games en somme, mais orchestré de manière moins choquante et plus vénéneuse !
Avec un tel canevas initial, Inexorable semble bien porter son titre, via un déroulé en entonnoir où les personnages n’auront aucune échappatoire, et dont l’inéluctabilité de sa violente finalité permet de savamment distiller son suspense. D’une durée de 1h30 extrêmement bien tenue, le métrage prône avant tout l’efficacité. Les quelques protagonistes sont rapidement introduits et clairement identifiés (l’écrivain embourgeoisé issu du prolétariat, sa femme à l’allure plus distinguée et noble ou encore leur fille dont le seul ami est leur chien), avant irruption de l’élément perturbateur au passé trouble.
Inexorable fantôme du passé
Pour quiconque sera familier de ce type de thriller, où une petite famille bien sous tous rapports sera acculée par un antagonisme disruptif et à l’issue « inexorable », la première partie du métrage aura un parfum plutôt familier (là encore, proche de Haneke). Mais par la suite, Fabrice du Welz parvient à court-circuiter ses prémices et à renverser successivement le pouvoir, toujours de manière cohérente avec les personnages et le propos du film. Au final, il est avant tout question de la parenté et des liens d’autorité, avec une bonne dose de vice par dessus le marché !
Le cinéaste parvient par exemple à ingénieusement mettre en parallèle l’obéissance de l’enfant et celle de l’animal, alors que Gloria fait office de ver s’infiltrant insidieusement dans une pomme pourrie par de sombres secrets du passé. Bien entendu, des révélations viendront éclater l’apparent cocon familial idyllique, permettant à chaque interprète de laisser entrer doutes, peurs, explosions de colère et de violence. Et si cette feuille de route est connue (les erreurs d’antan ramenées à la surface), Inexorable jouit d’une belle fabrication et d’une vraie direction d’acteurs faisant passer le tout comme une lettre à la Poste.
Beauté froide
Tout comme Adoration, Inexorable bénéficie des services de Manuel Dacosse (L’Empereur de Paris) à la photographie. Le film bénéficie donc d’une très belle lumière et d’un aspect visuel granuleux de toute beauté. La pellicule 16mm permet à la fois d’apporter un rendu pictural saisissant, dont la beauté contraste peu à peu avec l’absence de musique extra-diégétique et la tension étouffante allant crescendo. Allant parfois vers l’imagerie gothique, et même le giallo avec une irruption de couleurs primaires lors du climax, Inexorable est beau, saupoudré par une mise en scène prenant le spectateur par la gorge.
Enfin, comment ne pas parler du casting. Mélanie Doutey (bien qu’un tantinet en retrait et au rôle plus dépendant du duo principal) amène une douceur et une élégance à son rôle. C’est elle le repère moral du spectateur, tandis qu’Alba Gaïa Bellugi fait figure de jolie révélation. Tantôt affectueusement candide, tantôt bien inquiétante, l’actrice amène un vrai magnétisme ainsi qu’une dangerosité peu évidente au premier abord !
Outre les femmes mises à l’honneur, les honneurs iront vers un Benoît Poelvoorde habité et se muant peu à peu en véritable lion en cage. Acculé, perdant pied et prêt à tout pour maintenir l’intégrité de sa famille, le personnage de Marcel est sans conteste le meilleur rôle de Poelvoorde depuis de très nombreuses années ! Une performance intense, qui porte presque à elle seule le long-métrage.
Classique mais très efficace
In fine, Inexorable est encore une fois la preuve que le cinéma de genre francophone a aussi des cartes à jouer. On comptera également deux beaux génériques par Tom Kan (Enter the Void, Matrix Reloaded). Malgré un aspect légèrement programmatique, Fabrice du Welz parvient à rompre le classicisme initialement affiché par une vraie maîtrise formelle, une gestion de la tension savamment orchestrée, une noirceur vénéneuse saisissante et des comédiens véhiculant parfaitement l’aspect dramatique du métrage. C’est donc ce qu’on appelle un bien bon thriller !
Inexorable sortira au cinéma le 6 avril 2022
avis
Passées ses prémices connues, Inexorable se veut un thriller vénéneux et fort bien orchestré. Fabrice du Welz convoque une imagerie versant à la fois dans le cinéma sulfureux et le giallo, pour dépeindre la descente aux enfers d'une famille bourgeoise rattrapée par des secrets du passé. Beau visuellement et bénéficiant d'une tension crescendo, on saluera un casting bien convaincant, dont la révélation Alba Gaïa Bellugi et un Benoît Poelvoorde à la nervosité surprenante. Une bonne réussite !