Parce que voir Al Pacino dans une série ça n’a pas de prix, on a justement pris notre temps pour profiter des dix longs épisodes de Hunters.
A la fin des années 70, à New York, des rescapés des camps de la mort traquent les nazis immigrés sur le sol américain. Amazon propose une mini-série de dix épisodes, polémique et à la violence graphique certaine avec Hunters, portée par un casting de premier ordre, dont le maître Al Pacino, dans une ambiance tarantinienne savoureuse, entre pop culture et devoir de mémoire.
Créée par David Weil d’après l’histoire de sa propre grand-mère, Hunters prend le pari risqué de naviguer entre des flashbacks de la « solution finale » et une chasse implacable. Le résultat est à la hauteur de l’attente mais également tendancieux. Entre uchronie et fais avérés, le show de Amazon tend à faire de cette pente glissante une fiction biographique où le fun et l’horreur se côtoient sans que de réelles dénonciations ne naissent de ce postulat incertain.
Vieux chien fait bonne chasse
Pour donner vie à Hunters, le show se pare d’un casting généreux, piochant allègrement dans la caste judaïque de Hollywood. Logan Lerman incarne la focalisation principale de la série, un geek vintage fan de comic books dont on assiste à l’origin story initiatique. Josh Radnor quant à lui se retrouve loin de ses goûts littéraires prononcés pour retrouver le rôle du sidekick irrésistiblement blagueur, un peu facile pour ce brave Ted Mosby qui tente pourtant d’accomplir une performance méta sur son métier d’acteur. Enfin, les émotionnels figures parentales sont représentées par l’incroyable couple formé par Carol Kane et Saul Rubinek pour former la famille présidée par un Al Pacino plus convainquant que jamais, phénoménal, aux seuls regards plus éloquents que toutes ses lignes de dialogues.
Cependant, à l’instar du génial Dylan Baker, certains cabotinent pour offrir à Hunters une ambiance ambivalente, dramatique mais empreint de saillies comiques. Un penchant sucré démultiplié par des couleurs saturées et une esthétique pop. Entre la reconstitution bluffante des 80’s une ambiance rétro, à base de musique diégétique rock’n’roll, cartons typographiques ou de présentation des différents chasseurs, on navigue en plein buddy movie aux accents sanglants et bien violents. De quoi temporiser la lourdeur inhérente au sujet de la Shoah et de ces témoignages poignants.
Cependant, cette chasse aux monstres, aux vrais, souffre d’avoir maquillé la véracité de cette période pourtant si documenté. Pour démultiplier les ignominies des nazis et justifier ce bain de sang télévisuel, Hunters va jusqu’à inventer de nouveaux crimes à Auschwitz. Un effort bien déplacé quand on sait que la réalité dépasse de loin la fiction face à ce genre de monstruosité. Des faits rapportés et dénoncés par le mémorial du camp de la mort. Peut-être aurait-il fallu s’en tenir aux flashbacks personnels, grisés mais suggestifs, plutôt que de vouloir à tout prix faire dans le graphique démonstratif… Quitte à parjurer l’essence même du récit prôné par les protagonistes.
Hunters est un produit télévisuel de haut calibre, mélange pop à la Tarantino et (presque) perpétuation du devoir de mémoire sur la Shoah. Dommage que le postulat soit incertain devant un sujet si capital.