Claire Denis, réalisatrice française, revient avec son premier film en langue anglaise. High Life est porté par Juliette Binoche et Robert Pattinson. Le long-métrage, presque contemplatif, raconte comment une troupe de criminels est envoyée dans l’espace comme cobaye.
High Life est un film très lent, à la limite de la contemplation. Terrence Malick serait fière du travail de Claire Denis, tant les dialogues sont rares et certains plans fixes s’installent à l’écran. Le cinéma contemplatif est à double tranchant, soit il parvient à passionner son assemblée, et il se transforme en objet d’art magnifique, pénétrant comme le récent A Ghost Story, soit il passe à côté de son sujet et devient un objet filmique pompeux qui ennuie plus que ne transcende comme la trilogie urbaine de Terrence Malick justement.
Finalement, ce jugement repose beaucoup sur le ressenti de chacun que sur une véritable critique objective. High Life est parfaitement réalisé et offre quelques plans sublimes, ce qui n’a pas empêché un journaliste de ronfler au fond de la salle de projection.
Un High Life inspiré et incarné
Quoi de mieux que l’espace pour contempler la beauté et surtout l’infinie. Claire Denis se la joue Stanley Kubrick dans sa dernière oeuvre. Un groupe envoyé dans l’espace, voué à l’échec. Un film bourré de symbolisme, qui ne sait pas complètement dans quelle direction il se dirige, ou cherche à rester volontairement floue. Un final qui rappel le passage dans un vortex, dans un portail dimensionnel comme l’interminable, mais néanmoins sublime descente aux enfers de Bowman. Un trou noir menaçant qui peut servir de portail, ah non ça c’est Interstellar.
Heureusement, Claire Denis, outre quelques inspirations évidentes, signe son propre film. Un long-métrage taiseux, mais néanmoins passionnant porté par un Robert Pattinson taciturne, pessimiste, et dépassé en opposition à Juliette Binoche habitée, manipulatrice et impénétrable. C’est finalement ce duo qui donne tout l’intérêt au long-métrage. Des personnages aux caractères forts et aux ambitions diamétralement opposées. Juliette Binoche interprète un docteur qui soigne les criminels, elle même hors-la-loi, mystérieuse et dominatrice. Tandis que l’incarnation de Robert Pattinson semble le dernier vestige d’une humanité altruiste, avec une forme de fragilité. Claire Denis met en situation des êtres humains dans un univers inconnu et oppressant et voit comment l’Homme pourrait gérer cette condition. La sexualité est évidemment abordée, avec une certaine subtilité.
Une ballade sadique légèrement longue
High Life est magnifique. Dès son générique d’ouverture, où des corps tombent dans le vide absolu de l’espace, le ton est donné. La photographie permet une contemplation admirable de l’espace, mais également du corps. Tout semble au ralentit, comme si la condamnation de ces hors-la-loi était une éternité d’errance et de solitude. L’abstinence est obligatoire, les personnages sont prisonniers de leur vaisseau, tandis que Juliette Binoche joue la matonne inflexible. High Life pourrait finalement être un film d’horreur tant le postulat d’enfermement du départ est sadique. La cinéaste met en scène certaines situations qui pourraient tourner au cauchemar pur et simple, mais elle parvient à traiter cette horreur avec une certaine finesse. Jamais High Life ne devient rebutant, et c’est cette contradiction entre la magnificence de l’espace et ces rébus de l’humanité qui donne un sens au long-métrage.
Claire Denis signe une expérience de cinéma profonde où se mêle découvertes astrophysiques et questionnements humains. Le visuel est superbe, les sujets abordés passionnants, les symbolismes puissants, et les références à Kubrick, notamment 2001, subtiles. Cependant High Life est une ballade lente qui devrait en laisser pas mal sur la piste de décollage.
High Life sort le 07 novembre 2018.
Critique écrite par Aubin Bouillé