Hepatik Girl est un seule en scène drôle, touchant et rempli d’optimisme sur l’histoire vraie d’une jeune femme confrontée à la maladie.
Hépatik Girl nous raconte l’histoire de Claire, qui n’a pas une ni deux mais trois maladies auto-immunes et inflammatoires qui ont élu domicile autour de son foie. De quoi transformer la vie en épopée et fabriquer une super-héroïne…
Nous l’avions manqué au dernier Festival OFF d’Avignon, par chance nous n’avons pas refait la même erreur. Ce seule en scène sensible, original et puissant est une belle leçon de vie, d’optimisme et de courage.
Une performance de haut niveau
Ce n’est jamais simple de monter sur scène avec sa propre histoire, surtout quand le fond aborde des sujets douloureux comme la maladie. Car se raconter ne suffit évidemment pas pour faire un spectacle. Encore faut-il trouver la manière de le faire qui donnera du relief au propos, réussir à créer des liens entre son vécu intime et l’histoire de chacun, aborder les choses avec suffisamment de recul et de légèreté pour ne pas noyer le propos dans une mélasse indigeste de pathos.
Marie-Claire Neveu s’est emparée de ce défi de manière assez brillante, il faut le dire. Avant même de nous intéresser de plus près à l’histoire, c’est le talent de cette comédienne attachante qui nous a éblouis. Tout est en place, solide, précis, dans le jeu comme dans l’intention. Les enchaînements sont fluides, la proposition artistique est riche, le propos inspirant à différents égards, et la manière dont le spectacle est structuré très habile. Nous nous attendions à « bien », nous avons eu « mieux ».
Une hépatik girl dotée d’un optimisme à toute épreuve
C’est avec une formidable énergie vitale, beaucoup d’humour et de résilience que la jeune femme revisite les différentes étapes de son parcours médical avec des maladies invisibles, depuis son adolescence et la « rencontre » avec les maladies, jusqu’à sa vie d’adulte et les nombreux défis à relever au quotidien. Ainsi, on partage ses interrogations, sa quête de sens, mais aussi les obstacles qui se dressent sur son chemin comme l’annonce soudaine de la possible nécessité d’une greffe de foie. Mais même là, ce sont des sourires qu’elle vient nous tirer.
« On peut changer une fois le foie de 1000 personnes, mais on ne peut pas changer 1000 fois le foie d’une personne ! »
Elle raconte aussi le temps passé à attendre, sans cesse. Attendre les rendez-vous, les examens, les résultats des examens, les réponses des agences qui ne veulent pas lui louer d’appartement, des banques qui lui refusent des emprunts pour acheter un appartement… faute de pouvoir prouver qu’elle ne risque pas de mourir un jour… Autant d’aberrations de nos administrations, de notre système, dont elle se moque gentiment à travers des personnages délicieusement interprétés et des répliques efficaces.
Le talent avec lequel la comédienne incarne chacun d’eux et passe de l’un à l’autre nous a d’ailleurs fait penser à la brillante Eva Rami, à l’affiche du bijou de spectacle Va aimer ! Et là, en terme de compliment, il nous sera difficile de faire mieux ! Le professeur Sachant, le docteur Traitant, Mme Fric, la banquière, et bien d’autres, nous font sourire ou rire tandis que d’autres moments viennent nous attraper le cœur, comme ce très beau slam qu’elle nous livre avec une sincérité désarmante.
De l’intime à l’universel
Vivre avec des maladies invisible qui vous rongent, habiter dans un corps qui ne vous veut pas que du bien, c’est un apprentissage quotidien. « Le plus dur, c’est le début. Le premier pas », confie-t-elle. Comme dans bien d’autres situations d’ailleurs, si ce n’est toutes. Un apprentissage dont elle nous permet de saisir de manière concrète les étapes, les difficultés et les enjeux grâce à des analogies avec le ski, l’athlétisme, ou encore avec le parcours du combattant de la recherche d’appartement pour qui cumule le statut d’intermittent et celui de malade.
« Vous avez vu les racines des arbres ? Vous avez vu qu’elles soulèvent toujours le béton ? »
C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles ce spectacle fonctionne aussi bien : Marie-Claire Neveu ne se raconte pas, elle nous raconte. Avec beaucoup de délicatesse, elle nous intègre à l’histoire, nous aide à y trouver une connexion émotionnelle, à comprendre en quoi ce qu’elle nous livre nous concerne aussi. Le spectacle prend en effet de la hauteur dans le dernier tiers, une tournure plus engagée que nous n’attendions pas et qui se révèle être une très bonne surprise.
La jeune femme fait alors le lien entre ces maux qui l’habitent, qu’elle définit comme des maladies de société, et la destruction du vivant à l’œuvre à l’échelle de la planète. Une manière intelligente et pleine de pertinence d’éveiller un peu plus les consciences quant à l’impact sur nos vies et notre santé du rapport harmonieux et respectueux que nous n’entretenons pas avec la nature. Hépatik Girl délivre ainsi de belles valeurs, nous insuffle une furieuse envie de vivre et de nous reconnecter à l’essentiel. On applaudit pour dire bravo, mais aussi pour dire merci.
Hépatik Girl, écrit par Marie-Claire Neveu et Tatiana Gousseff, mise en scène Tatiana Gousseff, avec Marie-Claire Neveu, se joue du 5 au 28 novembre au Théâtre de Belleville.
Avis
La maladie, oui, mais avec beaucoup d'humour, d'intelligence et d'optimisme. Marie-Claire Neveu pose un regard sensible et inspirant sur ce qu'elle vit, sur le monde, portée par la mise en scène sobre et juste de Tatiana Gousseff, qui co-signe le texte de la pièce.