C’est l’un des films les plus acclamés de l’année : Hamnet nous emmène aux origines de la tragédie, contant de manière romancée l’histoire d’amour entre un jeune William Shakespeare (Paul Mescal) et Agnes Hathaway (Jessie Buckley). Un amour dont l’issue conduira à la funeste création d’une plus grandes pièces de théâtre de l’Histoire : Hamlet. Attention, sortez les mouchoirs !
Hamnet est un film directement adapté du roman éponyme de Maggie O’Farrell sorti en 2022. L’objectif est simple : passer dans les coulisses du chef-d’œuvre séminal Hamlet ! Hors, ce pari est évidemment nourri par les gigantesques trous présents dans ce qu nous connaissons de la vie de William Shakespeare. Les écrits du célèbre dramaturge et poète anglais ayant vécu à la fin du XVIe siècle ont beau avoir résisté au temps, sa vie en revanche nourrit encore les légendes.
Hamlet Origins
De quoi offrir d’emblée à ce Hamnet une dimension mixte, quelque part entre le récit historique et le romanesque fictif. Le film débute donc en 1585 dans la campagne anglaise du Warwickshire. William Shakespeare (Paul Mescal) est un jeune lettré passionné par la poésie au sein d’une famille d’artisans. Agnes Hathaway (Jessie Buckley) quand à elle est une orpheline vivant en marge au sein d’une ferme et passant son temps dans la forêt avoisinante.

L’amour naissant entre les deux jeunes tourtereaux va rapidement être mis en difficulté par leur différence de statut et d’univers. Malgré tout, de cette union naîtra trois enfants, dont le jeune Hamnet (Jacobi Jube) aspirant à devenir acteur dans une pièce de son père. Et alors que Shakespeare commence à trouver le succès à Londres, la tragédie va frapper la famille, conduisant à la création d’un des plus grands textes de la littérature anglo-saxonne.
Hamnet, le premier fruit de la tragédie
D’entrée de jeu, la réalisatrice Chloe Zhao (Nomadland, Les Éternels) évite toute comparaison douteuse possible avec un Shakespeare in Love : le métrage s’ouvre de manière solennelle et presque mystique, plaçant Agnes telle une prêtresse victime d’un maléfice à venir. Et il faudra quelques dialogues plus loin pour que le mythe d’Orphée et Eurydice soient cités pour comprendre qu’au-delà du Shakespearien, c’est bien la tragédie grecque au sens mythologique du terme qui infuse la dramaturgie d’Hamnet.
La première heure du métrage est d’ailleurs tout simplement exemplaire, laissant infuser la romance centrale avec une réelle emphase, tout en conservant de manière presque métaphysique une épée de Damoclès invisible (et quasi divine) sur cet amour présupposé comme interdit. D’un côté un artiste lettré fuyant un avenir tout tracé de gantier, de l’autre une paria sujette aux superstitions d’autrui (« sa mère est une sorcière des bois »).

Et si dans ses grandes lignes narratives Hamnet s’articule sans réellement dévier d’une trame en 2 temps (jalonnée par un point de rupture attendu), Chloe Zhao offre de véritables trésors de pureté lyrique via sa mise en scène aérienne ! La photographie de Łukasz Żal (Cold War, The Zone of Interest) compose des tableaux parfois austères dans leurs colorimétries froides, appuyant la fatalité qui englobe tout le récit. En contrepartie, l’œil de la réalisatrice capte chaque nuance de son casting royal.
Grande performance d’actrice
Paul Mescal impressionne de nouveau, campant un William Shakespeare tout en émotion contenue. Son alchimie avec la véritable star d’Hamnet offre par ailleurs la charpente nécessaire à la dramaturgie du récit : Jessie Buckley est quand à elle absolument exceptionnelle de maîtrise et de lâcher-prise brut à chaque plan, dans un jeu qui emporte littéralement tout sur son passage. Une prestation démente de viscéralité et d’incarnation qui force réellement le respect, et qui vaut presque à elle seule le visionnage !
Un duo parfait pour cette romance tragique donc, proposant par la suite une seconde heure plus attendue centrée sur le coping du couple, quitte à délaisser les autres personnages du film. Une légère déception, étant donné que le récit évite d’offrir un regard plus ample sur la naissance du théâtre moderne. Néanmoins, Hamnet a le mérite d’éviter toute velléité de mélodrame illustratif.

Cinéaste de la vérité au plus proche des corps et de leurs expressions, Chloe Zhao nous malmène dans cette tragédie traitant la naissance et la mort sur le même processus alchimique. La rythmique globale du film ne surprendra donc guère tant le premier degré est affiché en terme d’intentions. Pourtant c’est dans son approche frondeuse qu’Hamnet nous cueille, jalonnée par trois grands morceaux de bravoure : de véritables acmés d’émotion (dont une des scènes d’accouchement les mieux jouées de l’Histoire du cinéma osons le dire !) à l’effet dévastateur.
Final dévastateur
Il suffira d’ailleurs parfois de quelques notes de Max Richter (composant une BO atmosphérique pouvant faire chavirer n’importe quel cœur de pierre) pour éluder ce second tiers plus programmatique en terme d’enjeux ou d’écriture. Pour autant, le voyage global tout comme la destination d’Hamnet nous laisse sur le même sentiment de grand huit émotionnel : l’écriture, la scène et la fiction sont sans nul doute les moyens d’expression cathartique les plus purs pour capter l’insondable du cœur humain.
Hamnet sortira au cinéma le 21 janvier 2026
avis
Si son récit endeuillé vire au programmatique dans une seconde partie moins incarnée, Hamnet propose de véritables trésors d'émotion brute à intervalles réguliers, sublimés par la mise en scène emphatique de Chloe Zhao et l'interprétation brute d'émotion de son casting (immense Jessie Buckley). La tragédie Shakespearienne originelle, qui n'a rien d'illustrative bien au contraire !

