Haenyeo les dernières gardiennes de la mer immerge dans le quotidien extrême et l’avenir incertain de ces plongeuses coréennes traditionnelles.
Elles ont 70, 80, voire 90 ans et elles ne ratent jamais une occasion de plonger. Ces coréennes sont les haenyeo, les dernières gardiennes de la mer. Au cœur des archipels sud-coréens, comme sur l’île de Jeju, ces poignées de femmes sont les dernières récipiendaires de cette pêche traditionnelle en apnée. Ce documentaire réalisé par la cinéaste Sue Kim honore ces vies à braver l’océan, tout en alertant sur l’avenir fragile de cette coutume locale. Haenyeo les dernières gardiennes de la mer est aussi un document précieux d’histoire, car la tradition des haeanyo souffre d’un manque critique d’études et de documentation.
Haenyeo les dernières gardiennes de la mer dresse alors un portrait global de cette profession périlleuse. Le documentaire s’ouvre sur une partie de pêche en mer, afin de s’imprégner de cette sensation grisante d’aventure. Cependant, le portrait s’assombrit en abordant les fardeaux qui pèsent sur les haenyeo. Si elles sont toutes si âgées, c’est que ce mode de vie ne séduit plus les nouvelles générations. Plonger en apnée pour quelques oursins ; trop laborieux et dangereux. Le documentaire s’attarde sur le statut social dévalué des haenyeo, par exemple non éligibles aux assurances maladies. Pourtant, ce groupe d’environ dix femmes brille par ses figures rayonnantes et cet entrain à toute épreuve. Imprégnées de toute une vie de plongées, elles impressionnent à chaque instant.
C’est pas la femme qui prend la mer
Le documentaire magnifie ces figures par une réalisation toute d’humilité et d’esthétique coréenne. Le film se met toujours à la hauteur de ses personnages, par le procédé de caméra à l’épaule, pour rompre avec la dévalorisation sociale du statut de heanyeo. En filmant leur quotidien, l’équipe s’efface et laisse la pleine parole à ces femmes depuis toujours silenciées. Et dans une ultime preuve de révérence à ces vétérantes des fonds marins, l’image sublime leur mode de vie. Le documentaire opte pour un étalonnage adoucissant les couleurs, baignant les figures et les paysages dans des tons pastel réconfortants. Il se montre cependant avare en plans sous-marins, malgré la beauté des écosystèmes de la zone. D’un autre côté, il évite de chavirer dans le registre parfois soporifique des documentaires animaliers.
Pour cause, la vie des haenyeo est loin d’être un long fleuve tranquille. Le documentaire ne sombre pas dans les travers d’un portrait romancé, en affrontant le futur précaire des pêcheuses. Après avoir présenté ces femmes, il conserve un bon dynamisme en évoquant les enjeux environnementaux qui pèsent sur les mers coréennes. D’abord, les changements climatiques et les déchets plastiques qui polluent les plages et les récifs. Et surtout, le Japon qui entame le rejet des eaux radioactives de Fukushima. Résolument engagé, le documentaire refuse de se circonscrire au public coréen. Avec Fukushima et la saisie des Nations unies, il œuvre à sensibiliser son audimat international aux grandes causes environnementales.
C’est la mer qui prend la femme
Haenyeo les dernières gardiennes de la mer documente avec éclat et humilité cette tradition trop longtemps dévaluée. Il fait tomber les préjugés ; malgré leur âge, les haenyeo regorgent de vitalité et d’espoir magnétiques et contagieux. Et tout en se montrant didactique, il happe plutôt par toutes les émotions transmises par ces femmes insubmersibles. Du haut de sa petite heure et vingt minutes, il se révélera alors un tantinet court pour condenser des décennies de plongée.
Le documentaire Haenyeo les dernières gardiennes de la mer est sorti le 11 octobre en exclusivité sur la plateforme Apple TV +.
Avis
Haenyeo les dernières gardiennes de la mer transmet avec force la passion de ces femmes sirènes intrépides, sans jamais tomber dans le documentaire animalier soporifique ni dans le documentaire de société cafardeux. Toujours à hauteur de ses protagonistes, le documentaire honore avec brio ces vies à braver la mer. Cependant, un peu plus de plans sous-marins et quelques minutes supplémentaires n’auraient pas été de refus.