Derrière Elyas et son titre de film passe-partout se cache un petit évènement semblant passer sous silence : le retour de Florent-Emilio Siri (L’Ennemi intime, Cloclo) dans le cinéma d’action. Un retour galvanisant à plus d’un titre, porté par un Roschdy Zem impressionnant de physicalité !
Elyas semble un projet sorti de nulle part, et pourtant les amoureux de cinéma devraient être en ébullition : cela faisait depuis près de 10 ans que Florent-Emilio Siri n’avait pas réalisé de film, et presque 20 ans qu’il n’avait pas tourné de film d’action. Pourtant, le cinéaste d’origine italienne est responsable du plus grand représentant du genre dans l’écosystème français, à savoir le fondamental Nid de Guêpes.
Le retour du réalisateur prodigue
Sorti en 2002, cette relecture de Assaut et Fort Alamo avait fait sensation par une maîtrise et une compréhension absolue des codes du genre, tandis que la grammaire visuelle de Siri s’était confirmé par les non-moins réussis Otage (un des derniers vrais faits d’armes de Bruce Willis) et L’Ennemi intime (le meilleur film de guerre français de ce début de siècle). Mais c’est avec Cloclo que le bougre a réellement montré sa polyvalence, parvenant à créer un des meilleurs biopics qui soient !
Pourtant on pensait avoir perdu Florent-Emilio Siri, ne parvenant pas à monter son projet de rêve (un film sur La Bande à Bonnot), et se perdant dans des commandes (Pension complète, Marseille) où sa voix si distincte ne parvenait plus à emballer des œuvres inspirées. Elyas est donc un un vent de fraîcheur et également le pari de savoir si Siri en a toujours sous la caméra !
Zem on Fire
Elyas nous présente rapidement le personnage éponyme interprété par Roschdy Zem (L’Innocent) : cet ex-soldat des force spéciales au passé traumatique erre désormais sans but, jusqu’à ce qu’il soit contacté par son ancien ami Yann pour un job. Elyas va devoir être garde du corps pour une riche famille des Émirats arabes unis.
Mais tandis que le protagoniste doit faire avec son stress post-traumatique, un commando va attaquer les lieux. Elyas va ainsi devoir tout faire pour protéger Amina et Nour : en effet, cette ado de 13 ans semble être la convoitise d’un puissant tapis dans l’ombre..
Un canevas de base qui fait forcément penser au cultissime Man on Fire. Mais contrairement au chef-d’œuvre de Tony Scott, Siri s’intéresse avant tout à son protagoniste torturé pour en faire une étude de personnage dans un vrai film d’action taillé à l’os. Dès la première scène énigmatique du métrage (où on découvre es bribes du passif d’Elyas en Afghanistan), Siri convoque le cinéma des 70’s pour faire des fêlures de son anti-héros le moteur dramaturgique du métrage.
En l’espace de quelques séquences (et par le simple outil cinématographique), le réalisateur place efficacement le corps massif d’Elyas couvert de cicatrices, sa psyché torturée (à parler seul contre le ciel) et l’usage d’une arme blanche originale (un couteau de pêcheur) en tant qu’anti-stress comme des points de caractérisation permettant une incarnation immédiate d’un personnage en voie de rédemption.
Scénario qui fait le job
Une rédemption qui passera évidemment par sa relation avec la jeune Nour (épatante Jeanne Michel), tandis que Elyas abandonne son postulat connu pour mieux lorgner vers le « film de protecteur badass » à la Leon ou Baby Cart. Une dramaturgie empruntée, mais là où le bas blessera tiendra dans un aspect émotionnel beaucoup trop en surface pour transcender ses influences ou même son intention de base.
La faute à un récit qui ne respire que rarement (mais qui reste bien rythmé !), tandis que malgré le talent des acteurs la relation filiale qui se tisse manque d’épaisseur. Mais passé un court instant chez des gitans (n’ayant qu’assez peu d’intérêt pour traiter le personnage) ou un usage trop littéral de deepfake, le métrage parvient à lâcher les chevaux régulièrement sans réel temps mort ni vraie contrainte en terme de pure fabrication !
Le budget est de 12 millions d’euros : une somme dérisoire pour un film d’action, mais lorsqu’elle est là, Elyas envoie une patate de forain à la concurrence en terme de montage, de viscéralité et de travail sonore. C’est sur ce dernier point que le film impressionne le plus, usant par exemples des sonorités du couteau du personnage pour illustrer le PTSD du héros, en intégrant même cela à des séquences ultérieures comme pour mieux représenter l’acuité des sens d’Elyas.
Le patron du cinéma d’action français
La psyché fracturée d’Elyas devient ainsi un enjeu autre (même si le script abandonne à mi-parcours les possibles doutes de la perception possiblement biaisée du personnage), tandis que Roschdy Zem fait preuve d’une impeccable physicalité pour le rôle.
Le tout notamment dans 2 excellentes séquences musclées : un combat ultra brutal à 1 vs 5 dans un camping car (qui risque de décrocher de beaux sourires aux amateurs du genre), et un climax prenant d’infiltration tout droit hérité de Splinter Cell.
Un final prenant donc, dans une tour où l’ascension du personnage sur ses traumas converge avec la problématique première de sa protégée. On aurait sans nul doute aimé encore plus de la part de Florent-Emilio Siri (notamment dans l’exploitation fantôme de la figure antagoniste). Mais en l’état, Elyas fait office de preuve rafraichissante que le cinéma d’action écrit pour ses personnages et réalisé avec métier existe encore..même en France !
Elyas sortira au cinéma le 3 juillet 2024
avis
Elyas ne révolutionnera en rien le cinéma d'action : et pourtant Florent-Emilio Siri vient montrer à tout le monde qu'il est un des patrons du genre et des cinéastes les plus sous-cotés de sa génération, réinjectant une dramaturgie centrée sur les personnages. La trame a beau être assez programmatique, au moins la fabrication se veut aussi impeccablement musclée que Roschy Zem : une bonne petite pioche, affutée et sans bout de gras !