Si le nom de Kristoffer Borgli ne vous dit peut-être rien, celui de Nicolas Cage résonne à l’inverse dans de nombreux esprits. Et si, tel un fantasme inavoué, cet acteur apparaissait dans vos rêves ? Que s’y passerait-il ? Avec Dream Scenario, Borgli répond à ce désir en transformant Cage en un Paul Matthews, l’homme de nos rêves les plus fous.
Paul Matthews fait partie de ces personnes qui ont toujours rêvé leur vie. Professeur à l’Université alors qu’il aurait voulu devenir chercheur et écrivain, il vit une petite vie banale dans une indifférence des plus totales. Pour la plus grande partie de l’humanité, il n’est rien, voire pire, il n’existe pas. Et puis, un beau jour, il laisse une impression de déjà-vu auprès des personnes qu’il rencontre. Alors qu’absolument rien ne pouvait prévoir son ascension fulgurante, il devient le centre d’un Dream Scenario, un rêve collectif, et pour certains, l’homme le plus célèbre du monde.
Une célébrité qui rend fou
Dream Scenario est avant tout l’histoire d’un homme insatisfait par sa propre vie. Paul Matthews incarne à la perfection celui qui n’a jamais tenté de changer les choses et qui reporte sa frustration sur les autres. Cette personne que l’on a envie de secouer tant son inaction horripile. Il est à l’image de cette phrase qu’il prononce et qui pourrait être son leitmotiv : “Vous voulez quoi de moi ?”.

Paul Matthews devient ainsi le symbole d’une célébrité vide de sens : il n’a absolument rien fait pour la mériter, c’est elle qui l’a désigné. Il passe de l’homme pathétiquement transparent, à l’homme pathétiquement apparent, qui pense être quelqu’un sans jamais en être certain. Cette évolution du personnage est peut-être l’aspect le plus réussi du film car il parvient à poser le doute. Paul Matthews est-il toujours ce gentil père de famille ?
Du rêve au cauchemar
Il fallait s’y attendre, Dream scenario vire rapidement au cauchemar. Par ses choix de mise en scène, Kristoffer Borgli rend compte de ce basculement en isolant de plus en plus son personnage, dans sa vie, comme dans l’image. Il devient une sorte de fantôme redouté, rattrapé par sa célébrité. Ses actions sont de plus en plus controversées et on ne sait plus quoi penser. Jusqu’où la société est-elle capable de transformer quelqu’un ?

Avec ses film, – dont Sick of Myself (2022) – Kristoffer Borgli s’attache à établir des “critiques constructives de notre comportement collectif”. Dans Dream Scenario, il tente de rendre compte d’un phénomène d’hystérie collective, sauf qu’ici, il ne s’agit pas d’un symptôme physique violent mais de rêves récurrents. Comme une épidémie, l’image de Paul s’insère dans les esprits, elle se répand d’une manière si exponentielle que certains se sentent obligés d’inventer des rêves. Quelle est la part de réalité dans cette fiction imposée ? Paul est-il celui qu’il faut aimer, ou celui dont on doit être traumatisé ?
Et si on allait jusqu’au bout des choses ?
Ce qui pose problème avec Dream Scenario, c’est justement ce scénario un peu trop rêvé par Kristoffer Borgli. Bien que l’idée de départ soit audacieuse et originale, elle ne suffit pas à faire un film abouti. Avec Dream Scenario, on reste sur sa faim, comme si l’histoire ne démarrait jamais vraiment. Plane un sentiment de longueur, un besoin de renouveau. Nicolas Cage est là, mais sa présence ne peut pas à elle seule porter l’ensemble du film. Comme un concept étonnant ne fournit pas un scénario complet.

Avec Dream Scenario, Kristoffer Borgli ne parvient donc pas à aller jusqu’au bout des choses. Il nous laisse comblé par le jeu de Nicolas Cage, mais frustré comme l’est Paul Matthews.
Dream Scenario de Kristoffer Borgli sortira au cinéma le 27 décembre.
Avis
Le long métrage de Kristoffer Borgli est un rêve dans tous les sens du terme : pour son réalisateur, qui ne parvient pas à aller jusqu'au bout de son idée ; pour ce scénario qui fait du rêve le centre de l'intrigue ; et pour le public, qui rêve de revoir Nicolas Cage à l'écran. Bien que Dream Scenario ne soit pas abouti, il reste une création originale qu'il est agréable de regarder.