Désigné coupable raconte l’histoire vraie d’un homme capturé par le gouvernement américain et détenu à Guantánamo, sans jugement ni inculpation.
Désigné coupable est l’adaptation du livre Les carnets de Guantánamo, dans lequel Mohamedou Ould Slahi livre ses mémoires. Nous y découvrons l’histoire bouleversante de ce mauritanien accusé à tort d’avoir participé aux attentats du 11 septembre, et détenu depuis de longues années dans la prison de Guantánamo alors même qu’il n’a fait l’objet d’aucun jugement. Mais, et alors qu’il n’a plus aucun espoir, deux avocates vont s’intéresser à lui et investir toutes leurs forces dans ce combat pour la justice.
Un casting haut de gamme
Dans le rôle de Nancy Hollander, cette avocate déterminée et idéaliste, Jodie Foster excelle, comme à son habitude. La pertinence du rôle de sa collaboratrice Teri Duncan – incarnée par Shailene Woodley – nous a en revanche moins sauté aux yeux. Et si cette dernière se fera rattraper à mi-chemin par des doutes qui la feront fléchir, l’obstination de l’avocate permettra d’aller au bout d’une enquête qui n’a pas fini de les/nous révolter.
Mais ce film, c’est avant tout la prestation solide, remarquable et nuancée du très magnétique Tahar Rahim, dont on sent la volonté de transmettre avec le plus de justesse possible le parcours intérieur de cet homme dont la vie s’est soudainement brisée. D’autant que Kévin Macdonald joue habilement avec notre empathie ! Car c’est d’abord un suspect idéal – jeune musulman lié à Al-Qaïda – qu’il nous présente, avant de nous confronter à nos propres préjugés et de remettre l’humain au centre du propos.
Un film qui dénonce
Cette longue enquête judiciaire finit par mettre à jour une conspiration ignoble et révoltante allant à l’encontre de tous les droits humains les plus élémentaires. C’est de l’histoire de Mohamedou Ould Slahi dont il est question ici. Mais, en filigrane, nous apparaissent celles de nombreux autres prisonniers, dont près de 800 survivent encore là-bas à l’heure actuelle. Car à travers ce biopic, c’est aussi une triste et inacceptable réalité que met en lumière le réalisateur.
En effet – ainsi que cela est exprimé dans le film – cette prison n’a pas été conçue pour isoler des prisonniers mais pour isoler les surveillants. Pour permettre que s’y déroulent les pires atrocités, bien à l’abri de la Constitution américaine, du respect des Droits de l’Homme et de la présomption d’innocence. Une réalité dont l’horreur atteint son paroxysme lors d’une succession effrénée de scènes de tortures à la perversion quasi-insoutenable infligées par l’armée américaine. La bonne nouvelle au moins c’est que, après cette parenthèse effroyable, on est sûrs d’avoir vu le pire ! La mauvaise, c’est que cette réalité existe encore…
Le très long chemin vers la liberté
Quand le jugement finit par avoir lieu et que la libération qu’il n’espérait même plus lui est annoncée, impossible de ne pas partager l’élan de joie et de soulagement de cet homme privé des siens depuis si longtemps se laisse porter. De justice aussi, enfin. Une joie de courte durée toutefois, car nous faisions fausse route en pensant en avoir fini avec les rebondissements…
14 années de captivité dans des conditions inhumaines et des mois de torture donc, pour un homme que la justice a fini par reconnaître innocent. La pilule a du mal à passer. Jusqu’à ce que Mohamedou Ould Slahi – le vrai – apparaisse à l’écran, et que l’on découvre un homme désormais libre, débordant d’humanité et de joie de vivre, que l’on jurerait n’avoir jamais été abimé par la vie. Mais, puisque nous connaissons désormais son histoire, nous comprenons la force de résilience extraordinaire et inspirante qui l’habite.
Pardonner pour survivre
Et c’est ce qui nous restera le plus en mémoire de ce film. Non pas la forme, mais le fond. Non pas le film en lui-même qui, bien que réussi et brillamment interprété nous a laissés un peu en surface des émotions et n’a pas su nous prendre aux tripes malgré tout le potentiel de l’histoire. Mais cette réflexion inévitable qu’il amène sur la résilience et le pardon.
Car on ne peut qu’admirer cet Homme avec un grand « H » pour son courage et pour ce pardon qu’il a su accorder à ses bourreaux ainsi que nous l’a confié Tahar Rahim lors d’un échange post-projection. Une étape dont on comprend qu’elle est indispensable pour pouvoir vivre à nouveau. Pour pouvoir croire en l’humain à nouveau. Et c’est d’ailleurs sans doute dans ces quelques minutes de fin que l’émotion tant attendue s’invite enfin. Un peu tard du coup. Dommage.