Délicieux s’entend nous conter la naissance du premier restaurant sur fond de Révolution Française. Dommage que le réalisateur passe son temps à éviter son sujet et que la sauce ne prenne jamais.
Délicieux est le septième long-métrage d’Eric Besnard, réalisateur sans véritable coup d’éclat, connu pour ses collaborations avec Nicolas Boukhrief, auteur de films plus notables tels que Le Convoyeur (dont le remake américain avec Jason Statham est sorti récemment) et Cortex. Co-écrivant le scénario à quatre mains, les deux compères nous proposent ici une histoire originale, emprunte d’autant de fantaisies qu’intentionnellement baignée dans l’actualité. Tourné durant le mouvement des Gilets Jaunes et au moment où la cuisine prend une place très importante dans notre paysage sociétal actuel, Délicieux rate cependant le coche d’offrir un récit un tant soit peu contemporain pour délivrer une recette digne d’un fade téléfilm.
Recette franchouillarde
Délicieux suit le destin de Pierre Manceron, porté par le toujours impeccable Grégory Gadebois, ancien boulanger sans le sou devenu cuisinier pour le Duc de Chamfort, incarné par un Benjamin Lavernhe rejouant ici l’insupportable bourgeois. Après avoir pris l’initiative de créer un plat, le cuisinier est renvoyé et décide donc de s’en retourner à l’auberge paternelle, où avec son fils, Pierre Manceron devra affronter le deuil du père et l’arrivée d’une jeune femme déterminée à devenir son apprentie. Dès son introduction, Eric Besnard parvient ainsi à saisir le côté carnassier et écœurant d’une bourgeoisie à bout de souffle. Dommage que cette jolie mise en bouche ne dure que quelques secondes.
Parce que le cinéaste n’en à finalement que faire de son contexte historique brûlant et préfère rapidement noyer Délicieux sous une sauce dégoulinante de bons sentiments. Délaissant la bourgeoisie et le climat de révolte qui monte, Eric Besnard propose ainsi une recette franchouillarde faite d’une éternelle histoire d’amour entre deux destins brisés souhaitant tous deux retrouver le goût de la vie. Et de goût, le film d’Eric Besnard en manque affreusement, jusqu’à se vautrer dans un final rocambolesque finissant ainsi d’enfermer Délicieux dans une case télévisuelle régionale.
Terroir et bons sentiments
Parce que du programme télévisuel, Délicieux en coche toutes les cases, misant ainsi sur de beaux paysages de notre campagne française et des visages connus ici réduits au service minimum. La formule se veut plus alléchante, mais le résultat est le même, de ces produits gentillets destinés à passer un bon moment sans jamais éveiller le moindre désir de cinéma ni la moindre remise en question. Il est cependant éreintant de voir un projet réunir toutes les bonnes intentions pour perpétuellement les éviter et délivrer une recette aussi inodore que simpliste à l’heure où notre cinéma hexagonal semble enfin monter sur ses grands chevaux.
On ne pourra ainsi en vouloir à Délicieux autant qu’à un plat cuisiné tout prêt à réchauffer au micro-ondes : soit pas grand chose. Dénué du moindre goût et de la moindre saveur, la Révolution ne sera présente que dans le synopsis du film, qui s’échine ici à nous proposer un éternel retour en arrière, malgré quelques maladroites intentions féministes, ici directement enfermées dans une émission culinaire régionale parfaite pour ronfler sans encombres.
2 commentaires
Point de vu intéressant mais personnellement j’ai trouvé les acteurs bons et des plans très esthétiques reproduisant les natures mortes de l’époque.
« insupportables bourgeois »
Ce sont des nobles. Les bourgeois sont présents à la fin et s’opposent justement à la noblesse…
Merci d’avoir lu notre critique. Nous ne remettons pas en cause le talent des acteurs, et nous soulignions ici en utilisant le terme d’insupportables bourgeois un rôle que Benjamin Lavernhe avait déjà campé notamment dans Le Sens de la Fête et du fait qu’aucun acteur ne sorte réellement de sa zone de confort dans ce Délicieux. Bonne lecture et à très vite pour d’autres films, au plaisir d’échanger avec vous !