Dark Waters, de Todd Haynes, a fait son entrée dans les cinémas français le 26 février dernier. Adapté de l’effrayant article de Nathaniel Rich paru dans le New York Times le 6 janvier 2016, il retrace le combat de Robert Bilott, avocat à Cinncinati contre DuPont, magnat de l’industrie chimique. Mark Ruffalo, dans le rôle principal, tente donc de faire le ménage dans ces eaux troubles.
Comme rappelé dans la conclusion du film, « 99% des êtres vivants sur terre présentent du teflon dans leur organisme ». Pour son nouveau long-métrage, le réalisateur de Loin du Paradis ou encore Carol, a de nouveau choisi un thème très percutant : l’omniprésence de la molécule de teflon, très toxique, et sa distribution sans limite dans le monde entier par l’industriel DuPont. L’affaire commence en 1998, lorsqu’un agriculteur de Parkersburg, en Virginie Occidentale, rend visite à l’avocat Rob Bilott pour lui demander de faire la lumière sur la raison pour laquelle ses animaux deviennent fous ou malades. D’abord sceptique, ce dernier se rend rapidement à l’évidence : cet environnement souffre d’une très forte pollution. Animaux incontrôlables, cancers et maladies congénitales chez les humains habitant cette zone… Rob va porter à la connaissance du monde entier la nocivité du teflon, contenue en grande quantité dans des gisements à Parkersburg.
Si l’affaire n’est toujours pas résolue à ce jour, le film met magistralement en images son déroulement et son importance pour la société moderne.
Dark waters : immersion intense dans les abysses de l’industrie chimique
Comme pour tout bon polar cinématographique, la force de Dark Waters réside dans son rythme soutenu. D’abord, une montée en puissance progressive, qui commence avec les interrogations du héros quant à la visite soudaine de ce mystérieux agriculteur. Une fois ses investigations lancées, plus de répit pour Mark Ruffalo, qui passe le film à courir après la vérité. Alors que le spectateur se voit rapidement happé par son enquête et va de découverte en découverte, le seul réel moment d’attente du film arrive à la fin. L’avocat a enfin obtenu de la justice que des experts confirment sa thèse selon laquelle le teflon s’avère toxique et tout à coup, silence. Un simple écran noir egrenne les années qui s’écoulent. Le spectateur retient alors son souffle, cette course à la justice va-t-elle porter ses fruits ? Un an, puis deux, puis trois… au moment où l’on n’y croit plus, l’image revient et le film s’achève sur une image héroïque : celle de Rob Bilott décidant de défendre chacune des milliers de victimes du teflon l’une après l’autre.
En plus du jeu très juste de Mark Ruffalo dans le rôle principal, on remarque les prestations intenses des personnages de second plan. L’excellent Bill Pullman semble se délecter de son rôle d’Harry Dietzler à l’humour cynique, tandis qu’Anne Hathaway exécute une très bonne performance d’épouse tenant seule son foyer face à un mari absent. Relégué, comme trop souvent, dans un second rôle, Bill Camp interprète aussi avec brio Wilbur Tennant, l’agriculteur à qui DuPont a tout pris. Nominé aux Satellite Awards 2019, l’acteur principal se révèle donc bien épaulé par le reste du casting.
Un film qui a fait plonger l’action de DuPont
La chute drastique du cours de l’action de l’industriel constitue sans doute le meilleur compliment que l’on pouvait faire à cette œuvre. DuPont, qui ne se trouvait pas en très bonne santé financière à la suite de plusieurs remaniements, a vu son action perdre 7.15 points dès la sortie du film. Le scandale qui avait suivi l’article de Nathaniel Rich avait déjà contribué à déstabiliser l’entreprise. Après la sortie de Dark Waters, la firme s’est justifié en répliquant que la majeure partie des propos tenus ne se base pas sur des faits et a prétexté que DuPont représentait un ennemi idéal.
Rassemblant toutes les qualités du thriller sans tomber dans le cliché du film « tiré d’une histoire vraie » larmoyant, Dark Waters se révèle très plaisant. Les découvertes successives du personnage principal plongent le spectateur dans une histoire effrayante de réalisme. La peur engendrée par ces révélations se fait d’autant plus forte que la quantité de signes que l’environnement au teflon était pollué s’avère astronomique. Comment ne s’en sont-ils pas douté plus tôt ? Y a-t-il beaucoup d’autres produits aussi toxiques dans ma vie quotidienne ? Autant de questions que soulève cette œuvre, qui a même obligé un géant de l’industrie à se justifier.