Tandis que le blockbuster occidental cherche à nouveau sa voie, l’Asie redouble d’efforts (et de moyens colossaux pour proposer du grand spectacle épique. Creation of the Gods ne fait donc pas exception, premier volet d’une trilogie retraçant une grande légende chinoise.
Alors qu’il existe encore quelques exceptions en Occident (Cameron, Miller, Villeneuve), c’est véritablement du côté de l’Asie (RRR, City of Darkness) désormais que le blockbuster épique et coup de poing semble faire son nid. Creation of the Gods ne déroge ainsi pas à cette règle : plus grand budget de l’Histoire du cinéma chinois (autant que le 1er Avatar !), ce film de Wu Ershan adapte L’Investiture des Dieux, ouvrage fantastique fondateur du temps de la dynastie Ming (la toute dernière lignée d’empereurs).
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Un Seigneur des Anneaux asiatique en un sens, prenant place au XIe siècle. Le récit nous invite auprès des derniers jours de la dynastie Shang (dominée par Di Xin), alors que cette dernière règne sur l’ensemble de la Chine…exceptée Jizhou ! Ce bastion souhaitant son indépendance se rebelle donc, obligeant l’armée de Jing Shou (le général des Shang) a tué Su Hu, le seigneur renégat. Ce faisant, cet acte va engendrer une série d’évènements qui va profondément changer l’ensemble de l’empire.
En effet, la fille de Su Hu (Su Daji) va ressusciter sous forme de sorcière immortelle après son suicide, désireuse d’influencer le frère de Jing Shou pour tuer l’empereur Di Xin ! Shou est ainsi nommé à la tête du royaume, rompant le mandat du Ciel (affirmation de la légitimité ou non des pouvoirs impérieux par les divinités immortelles taoïstes) et déclenchant une malédiction.
Creation of the Gods : un tournant pour le cinéma chinois
Alchimistes, esprit-renard à neuf queues, démon et autres protagonistes dignes d’un heroic fantasy vont ainsi s’entrecroiser dans une intrigue de 2h30 ultra dense..sans doute même trop ! En effet, Creation of the Gods démarre sur les chapeaux de roue, affichant un soin technique relativement inégalé dans le cinéma populaire chinois !
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Malgré une introduction impersonnelle (et peu cinégénique) narrée en voix-off, les enjeux restent clairs et efficacement mis en scène dans une bataille encapsulée par une dimension humaine forte : un fils du seigneur renégat (donné dans l’enfance aux Shang pour éviter des rébellions) est sacrifié aux portes de Jizhou.
Une manière de contextualiser immédiatement le mode de fonctionnement martial d’une dynastie jusqu’ici inconnue, avant que Creation of the Gods ne fasse se télescoper un nombre impressionnant de protagonistes dans ce premier volet de trilogie.
Constellation de personnages (plus ou moins) survolés
Mais tandis que des moines sont chargés de transporter la fameuse investiture des Dieux (désormais contestable à cause d’un régicide) sous la houlette d’un sage de Kunlun, la narration va s’intéresser à divers personnages au sein (ou au dehors) des divers royaumes cardinaux de la Chine. Un postulat tout à fait louable, d’autant que la majorité du continent asiatique est forcément familier avec le récit-source de Creation of the Gods.
La problématique est qu’en tant que métrage, ce 1er volet peine à complètement faire exister chacun de ses pions. Tandis que des arcs narratifs demeurent incomplets (forcément !), d’autres sont introduits pour être immédiatement éliminés, ou bien faire un retour avant la fin pour être teasés dans le 2e volet.
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Une dimension humaine et indiviuelle qui manque donc cruellement à ce Creation of the Gods, préférant être dans l’illustration de son matériau-source plutôt que l’incarnation réelle ! Sans nul doute la grosse limite de ce blockbuster heureusement généreux à plus d’un titre : production design entre historique et fantasy, volonté de récit épique aux 1000 figurants, effets visuels (globalement) très réussis, créatures fantastiques folkloriques, BO ethnique..
Creation of the Gods fait office de vrai festin, allant parfois sur les plates-bandes de John Woo (Les 3 Royaumes) et Tsui Hark (Detective Dee 3) pour proposer un spectacle riche et singulier. Là encore, le côté hachuré et parfois impersonnel de sa narration (couplé à ses personnages sacrifiés) limitent la profession de foi, mais ce Kingdom of Storms reste avant tout une vitrine technologique ludique qu’il ne faudrait pas bouder, surtout sans avoir la vision d’ensemble de la trilogie !
Creation of the Gods – Kingdom of Storms est sorti au cinéma le 10 juillet 2024
avis
Avec Creation of the Gods, Wuershan réussit un pari technique et visuel édifiant au sein du cinéma chinois, traduisant un matériau-source fondateur en blockbuster épique et fastueux. Dommage que la narration souvent illustrative ne s'intéresse que peu à ses divers personnages, peu enclins à l'incarnation. Un premier volet plaisant ceci dit bien que très perfectible !