La cinéaste Jessica Hausner est déjà venue au Festival de Cannes pour son très réussi film sur une fleur pas comme les autres, Little Joe. Avec Club Zéro, elle revient avec un sujet de film de genre atypique, mais cette fois elle va encore plus loin dans le dérangeant. À tel point que le film commence par un texte qui prévient des potentiels dangers de l’histoire sur les personnes atteintes d’un problème en lien avec la nourriture.
Car ce Club Zéro a tout à voir avec ce que l’on mange. C’est le récit de l’arrivée d’une nouvelle professeure dans une école d’ultra riches aux États-Unis. Elle enseigne la technique de « manger de manière consciente ». Sans dévoiler plus que cela le déroulé du film, il s’agit donc de remettre en question notre façon de consommer : il faut moins manger. Cette technique, elle l’apprend à un petit groupe de jeunes influençables qui prennent à cœur de suivre son enseignement.

Bien entendu, la thématique s’inscrit dans l’ère du temps et c’est ce dont Jessica Hausner souhaite analyser et moquer. C’est une satire sociétale qui ne mâche pas ses mots, qui appuie là où ça fait mal en montrant les dérives sectaires de notre temps. Elle parle ainsi de nos paradoxes d’être humain, de notre volonté sans faille ou au contraire faillible, de l’incompréhension entre les générations ou encore de notre vulnérabilité face à l’influence des autres. La réalisatrice emballe ces thèmes dans une œuvre plutôt viscérale, mais qui manque de férocité pour élever son propos.
Une secte peut en cacher une autre
Dans ce décor géométrique et austère, les personnages semblent froids, déconnectés de notre monde, vivant en ostracisme entre-eux. Seul un élément n’est pas de cet univers, un élève qui a besoin d’une bourse pour rester dans l’école. Le film montre comment la communauté agit sur l’individu (et parfois inversement lorsqu’un personnage comme la professeure entre en jeu) et détruit son sens critique. On veut faire partie de quelque chose de plus grand, de quelque chose qui fait sens. Sinon, à quoi bon vivre ? La communauté formée par le personnage de Mia Wasikowska (géniale dans le rôle) est là pour répondre à ce besoin existentiel. C’est la base même d’un fanatisme religieux, d’une dérive sectaire.

Ce qui est le plus amusant dans ce récit, c’est qu’il parle d’un basculement de plus en plus brutal vers des micro-communautés. En soi, cette école d’ultra-riches est une bulle, une secte sans en porter le nom. Elle est régie selon ses propres codes et ne laisse pas pénétrer le monde extérieur. Or, c’est encore trop grand. Les élèves ont besoin de se sentir différents, de s’éloigner de ce qui pour eux est la masse, alors que ce n’est qu’une infime partie de la population d’un pays.
Mise en scène appétissante, mais on reste sur notre faim
Comme à son habitude, la réalisation de Jessica Hausner est très cadrée, jouant avec les couleurs et les lents mouvements de caméra. Les compositions mettent en avant les décors pour créer une sensation d’étrangeté et de déconnexion profonde entre l’humain et son environnement. Cette mise en scène minimaliste atteint souvent ses limites et manque d’apporter à l’histoire de l’ampleur. Si dans le récit il existe une montée en puissance, on ne la perçoit hélas pas dans la réalisation.

Un des aspects les plus originaux de l’œuvre réside dans la bande-son. Par le biais de son compositeur, Markus Binder, la narration et l’ambiance de Club Zéro sont guidées par des musiques avec de fortes sonorités japonaises. Le rythme des tambours minimalistes répondent à l’esthétique des images. De plus, on se rapproche d’un son quasi guerrier qui met en avant le combat de tous les instants des enfants pour s’imposer cette technique de l’extrême.
Ainsi, Club Zéro brille par ses thématiques. Cette analyse astucieuse de notre époque où le communautarisme, les phénomènes sectaires et la déconnexion entre les générations, sont des sujets particulièrement intéressants. Néanmoins, le film demeure trop sage dans le développement de son récit et de sa mise en scène.
Club Zéro sort au cinéma le 27 septembre 2023. Retrouvez tous nos articles du Festival de Cannes 2023 ici.
Avis
Ainsi, Club Zéro brille par ses thématiques. Cette analyse astucieuse de notre époque où le communautarisme, les phénomènes sectaires et la déconnexion entre les générations, sont des sujets particulièrement intéressants. Néanmoins, le film demeure trop sage dans le développement de son récit et de sa mise en scène.