Canailles prouve qu’il n’est pas toujours judicieux de juger un film sur son étiquette. Partant d’un postulat attendu, Christophe Offenstein signe une comédie mal aimable, noire et jouissive.
Canailles est l’adaptation d’un roman de Iain Levinson, écrivain américain dont on a pu apprécier l’adaptation d’Un Petit Boulot, du regretté Pascal Chaumeil, qui mettait scène un chômeur devenant tueur à gages pour retrouver son rang et sa dignité. Le film de Christophe Offenstein dépasse ainsi aisément ce précédent projet, lui qui nous avait déjà conté une cohabitation difficile dans En solitaire, et accompagné OrelSan pour parler de la désuétude de la banlieue caennaise dans Comment c’est loin. Porté par un trio d’acteur impeccable, Canailles dépasse ainsi aisément sa triste affiche et sa fade bande-annonce pour livrer une comédie aussi amère que jubilatoire.
Tous pourris
Canailles suit ainsi le braquage raté d’Antoine (François Cluzet), qui décide de se réfugier chez Elias (José Garcia), un professeur d’histoires très sérieux en apparence. Mais lorsque Lucie, l’enquêtrice chargée de l’affaire débarque, tout va se gâter. De ce postulat certes peu vendeur, Christophe Offenstein, aidé du très bon travail d’adaptation de Narjiss Slaoui, Gabor Rassov et Jonathan Koulavsky, rompt ainsi net avec le paysage souvent ronflant de la comédie hexagonale. Parce que ses trois personnages sont tous odieux, pétris de zones d’ombres et la morale s’en trouve bouleversée : affublés de coiffures ridicules, le professeur d’histoire a en effet des mœurs très légères avec une petite voisine mineure, tandis que l’enquêtrice se sert du sexe pour obtenir ce qu’elle désire. Et le seul à jouer franc-jeu de bout en bout, c’est bel et bien le braqueur.
La photographie de Martin de Chabaneix renoue ainsi avec l’aspect très social de Comment c’est loin, le précédent long-métrage de Christophe Offenstein. Les banlieues pavillonnaires proprettes, comme toute la description de la bourgeoisie locale, sont ainsi transfigurés en de sinistres endroits, froids, où tout le monde passe son temps à jouer un rôle. Prendre en sous-texte l’histoire de la collaboration est ainsi une réelle bonne idée tant tous les personnages, malgré leurs apparences, se révèlent aussi pourris les uns que les autres. Mais dans cette odieuse galerie de personnages, où peut-on alors trouver du plaisir ?
Affreux, sales et marrants
Ce serait ainsi oublier que Canailles se trouve porté par un trio d’acteurs impeccable. Si le duo Cluzet-Garcia (trouvant ici son meilleur rôle depuis bien trop longtemps) détonne de par son amitié emplie d’une violence de chaque instant, le personnage d’enquêtrice campé par Doria Tillier l’emporte cependant haut la main. Indépendante, déterminée et frôlant souvent la ligne rouge de la déontologie propre à son métier, toutes ses confrontations avec d’autres protagonistes se révèlent aussi savoureuses que mordantes. Le côté amoral de Canailles est ainsi mené avec brio tant tous paraissent tels de petits malfrats condamnés à négocier avec une vie injuste où l’hypocrisie règne en maître.
Christophe Offenstein fourmille ainsi d’idées pour faire ressortir le pire côté de chacun de ses protagonistes. Et Canailles pose ainsi de réelles remises en question morales. Et si la rencontre avec un homme jugé par la société comme un malfrat nous permettait finalement juste de nous rendre compte que nous en étions tous un peu un? Alors, inutile de juger aussi rapidement et hâtivement quelqu’un, comme un film à sa simple apparence. Canailles, on l’est finalement tous un peu.
Canailles est sorti le 14 septembre 2022.
Avis
Canailles est une surprenante comédie, aussi mal aimable que noire et véritablement réjouissante. Christophe Offenstein signe ici un amer plaidoyer contre l'hypocrisie générale et les fausses apparences emmené par un trio d'acteurs fabuleux. Aussi amoral que jouissif.