Caméra Café, 20 ans déjà vient nous rappeler une époque révolue et relire 20 ans d’actualité en se modernisant de la plus inattendue et touchante des manières.
Caméra Café a aujourd’hui des allures de dinosaure. Un morceau d’une époque révolue, où les blagues sexistes, machistes, racistes et homophobes passaient comme une lettre à la poste, dans une série courte pourtant novatrice pour son époque, dont sa remplaçante, une certaine Kaamelott, aura fini par étouffer la gloire et le culte. Parce qu’observer la France du coin de la machine à café s’est avérée être une idée brillante : en plus de proposer des personnages certes stéréotypés, mais cruellement représentatifs et attachants, en faisant collaborer le public à l’écriture de certains sketches, la série d’Alain Kappauf, Yvan Le Bolloc’h et Bruno Solo aura su toucher des millions de français, s’étendant jusqu’au cinéma avec deux longs-métrages, dont un fut un flop et un remake télé raté, ayant fini par définitivement enterrer la série caféinée.
Caméra start-up
Mais voilà, la télévision étant en totale manque d’idées et d’audace, (on met de côté le récent et imparfait Late d’Alain Chabat) se contentant de regarder vers son glorieux (pour certains) passé pour ressusciter nombre de ses succès, de Star Academy, en passant par Les Inconnus, le retour de Caméra Café, avant celui d’Un gars et une fille était quasiment acté. Pourtant, ce retour n’a rien de nostalgique, mieux lorsqu’il offre une part de rédemption à une série déconnectée sur bien des aspects de son époque. Caméra Café, 20 ans déjà oscille ainsi entre critique de la start-up 2.0, où les deux héros, Hervé et Jean-Claude, ont des airs de dinosaures, aussi antipathiques que toujours cruellement touchants et attachants. En relisant vingt années d’actualité, de l’affaire DSK au COVID, en passant par les attentats et les Gilets jaunes, la série se relit ainsi de manière salutaire.

Caméra Café, 20 ans déjà peut ainsi se dépouiller de son humour daté pour se concentrer sur qui avait fait sa réussite : un portrait d’une France rurale fragilisée par le capitalisme à outrance au sein d’un monde de l’entreprise qui n’a cessé d’évoluer pour mieux asservir des employés à la vie pas toujours facile. L’attention particulière portée aux Gilets jaunes en est ainsi le meilleur exemple tant la série avait déjà dépeint nombre de français dans des situations critiques, avec Jeanne (Jeanne Savary), la mère célibataire exploitée en parangon, autrefois cruche et malléable à merci, ici transfigurée en héroïne des temps modernes. Les héros, mâles blancs hétéros coureurs de jupons et magouilleurs sont ici justement mis au placard, pour prendre le pouls d’une évolution certes plus contemporaine, mais néanmoins toujours aussi carnivore.
Décaféiné
Dans sa description d’une start-up, même campée par le talentueux Wally Dia, Caméra Café, 20 ans déjà semble consciente de ne plus avoir sa place. Mais que les fans se rassurent, au détour de ses vignettes autour de la culte machine à café, tout l’esprit de la série se retrouve, le temps de quelques répliques toujours aussi hilarantes. Le plaisir est intact de retrouver des personnages volontairement vieillis pour certains, comme pour souligner une évidente déconnexion. Il reste cependant à cet épisode spécial scindé en deux parties le désir de proposer autre chose qu’une simple émission spéciale, où d’un bonus anniversaire facile, mais celui de relire et de conclure une bonne fois pour toutes (?) une série en la remettant sur de bons rails.

Il est ainsi émouvant, dans son écriture de personnages, là où certains paraissent sacrifiés (Nancy, Carole), d’autres judicieusement remis au goût du jour (Philippe, l’homosexuel moqué devenu roi du monde et Sylvain sidekick à catastrophes) de rendre hommage à une France qui ne sera jamais plus, notamment au travers du personnage de Jean-Claude qui passe de dinosaure à vestige d’un pays fracassé, dont le discours final résonne avec beaucoup de sensibilité. Autant de plaisir, il est rare, d’un retour télévisuel qui a tout sauf l’air opportuniste, d’une série qui se relit ici avec brio, se reconnectant avec ce qui faisait son identité dans un adieu aussi émouvant que bénéfique.
Caméra Café, 20 ans déjà est disponible sur SALTO, et sera diffusé le 24 janvier à 21h10 sur M6.
Avis
Caméra Café, 20 ans déjà atteste d'un paysage télévisuel recyclant sans vergogne ses anciennes gloires, ne cessant de rendre hommage à un éventuel glorieux passé. Pourtant, ce serait un tort que de bouder son plaisir devant ce retour tout sauf opportuniste, qui remet brillamment au goût du jour une série à l'humour daté, qui se reconnecte ici avec ce qui a fait son succès, à savoir le portrait d'un France rurale et délaissée, dans une série dont le retour s'avère à la fois salutaire et émouvant.