Avec Ça – Bienvenue à Derry, HBO propose une série préquelle envoûtante, sublimée par la mise en scène d’Andrés Muschietti et la prestation troublante de Bill Skarsgård. Une immersion cauchemardesque dans les racines du mal.
Ça – Bienvenue à Derry n’est pas simplement un dérivé opportuniste des films de 2017 et 2019. C’est une plongée dans les racines du cauchemar. Située au début des années 1960, la série imagine comment la petite ville du Maine, apparemment tranquille, a vu émerger la présence maléfique de Pennywise. Le décor se met en place avant l’arrivée du « Club des Ratés ». Ici, quatre enfants découvrent peu à peu que Derry elle-même semble maudite.
Une production fidèle à l’univers King
Créée par Andrés Muschietti, Barbara Muschietti et Jason Fuchs, la série, produite pour HBO/Max, s’ancre dans la continuité esthétique et narrative des films. Andrés Muschietti reprend la réalisation du pilote et veille à maintenir la grammaire visuelle sombre et sensuelle déjà appréciée dans Ça. La série s’annonce comme l’un des événements horrifiques majeurs de l’automne. Elle est constituée de huit épisodes qui seront diffusés chaque semaine à partir du 27 octobre 2025. Soit juste avant Halloween. Ainsi, ce rythme rappelle celui des grandes sagas télévisées.

Une atmosphère de cauchemar ordinaire
L’action s’ouvre sur une Amérique en pleine mutation. La guerre froide, le militarisme ou encore la ségrégation sont de mise. Mais aussi une enfance qui vacille entre innocence et effroi. La force de Ça – Bienvenue à Derry est de transformer cette Amérique du début des années soixante en décor d’épouvante. Une esthétique pastel délavé, des intérieurs figés. Et sous la surface, des apparitions, des fils, des reflets qui semblent doués d’une conscience propre.
Andrés Muschietti excelle à installer un malaise diffus. En effet, les couloirs de l’école, les miroirs, les tuyauteries prennent vie… Et ce, sans qu’on sache si l’on assiste à des hallucinations ou à la matérialisation du mal. Chaque plan distille la peur millimétrée qui faisait déjà le charme glaçant des films. On croit toujours reconnaître une silhouette dans la brume, un écho dans un rire d’enfant.
La naissance du mythe
Sans rien révéler de l’intrigue, Ça – Bienvenue à Derry s’intéresse à la genèse de la malédiction. Qu’est-ce qui a fait de Derry ce lieu d’attraction pour l’horreur ? Là où les longs métrages adaptaient la lutte contre le clown, la série adopte un point de vue plus anthropologique et onirique. Derry devient un organisme vivant, ainsi qu’un territoire hanté depuis les origines par quelque chose d’antique. Les enfants, les militaires, la communauté afro-américaine, les voix des ancêtres : tous semblent liés à cette présence, qu’elle soit cosmique ou intérieure.
L’horreur se glisse dans le quotidien : un ballon rouge à la dérive, un reflet dans l’eau, une chanson sortant d’un transistor. Cependant, quand le mal apparait, il y va de son lot de gore ! Accrochez-vous pour le spectacle…

Bill Skarsgård, l’inquiétude réincarnée
Le retour de Bill Skarsgård dans le rôle du clown a été accueilli comme un événement par les fans. Sans livrer de détails sur sa présence, on peut dire que le comédien nuance encore davantage sa performance. En effet, le personnage n’est plus seulement une figure de terreur, mais un concept. Il prend racine dans les peurs collectives, dans la violence institutionnelle. Ainsi que dans les mythes amérindiens évoqués subtilement. Sa voix, sa gestuelle – presque animale – font de ses apparitions autant d’expériences viscérales.
Un casting riche et cohérent
Aux côtés de Bill Skarsgård, la série réunit Taylour Paige, James Remar, Stephen Rider, Madeleine Stowe ou encore Rudy Mancuso. Mais également Jovan Adepo qui incarne Leroy Hanlon, figure de soldat face au racisme ordinaire et à l’invisible. Ainsi que Chris Chalk qui reprend le rôle de Dick Hallorann, personnage mentionné dans les romans Shining et Ça. Ces choix renforcent l’impression que l’œuvre s’inscrit dans un vaste multivers Stephen King, dépendant des lignes temporelles par des détails symboliques.
Ce traitement intertextuel fait la richesse de Ça – Bienvenue à Derry. D’ailleurs, des rumeurs murmurent de potentiels liens avec des clins d’œil à La Tour Sombre ou à Shining. Pour autant, la série reste parfaitement lisible sans connaissance préalable.

Les années 60, un miroir sociétal
La déco sixties n’est pas un simple caprice esthétique. Elle offre un prisme nouveau sur l’angoisse : la ségrégation raciale, la peur du nucléaire et la foi aveugle dans le progrès technologique sont autant de terreaux pour l’horreur. D’ailleurs, la mise en scène exploite ce contraste. En effet, le clinquant du rêve américain s’oppose à la décomposition progressive de ses symboles. Derry, c’est l’Amérique en miniature : polie en surface, monstrueuse en profondeur.
En outre, l’usage des costumes, des voitures chromées, des affiches de propagande inscrit la peur dans le réel collectif. L’on n’a pas seulement peur du monstre – on redoute ce qu’on ne veut pas voir de soi-même.

La peur selon Muschietti : lenteur, mystère et héritage visuel
Le réalisateur retrouve sa patte : voyages carêmes, cadres symétriques, jeux d’ombres autour de la figure enfantine. Cette précision confère à la série une beauté macabre, presque picturale. Là où les films privilégiaient la terreur immédiate, la série s’installe : elle respire, attend, scrute. Chaque épisode se déploie ainsi comme un chapitre de cauchemar enfanté par la mémoire collective.
Le choix de HBO confère une liberté visuelle et sonore rare. En outre, le rythme s’autorise des silences, la violence s’infiltre plus qu’elle ne s’expose.
Une mythologie réécrite
Ça – Bienvenue à Derry ne cherche pas à concurrencer les films, mais à enrichir le récit initial. Elle donne chair à la légende du monstre et contextualise la récurrence de ses apparitions. On y retrouve la notion cyclique chère à Stephen King. Le mal renaît tous les 27 ans, change de visage. Mais puise dans les mêmes pulsions de haine et de peur.
Certains épisodes effleurent l’idée fascinante que Pennywise ne serait qu’une émanation des fautes humaines – un miroir de la culpabilité collective. Cette lecture métaphorique donne toute sa profondeur à la série. En effet, le clown serait moins une créature venue d’ailleurs qu’un symbole éternel du refoulé social.

Un retour à la terreur existentielle
À l’image des meilleurs récits de Stephen King, la série ne parle pas tant de monstres que d’êtres humains confrontés à leur peur existentielle. Ce sont des familles qui se désagrègent, des enfants qui apprennent la peur avant la puberté. Mais aussi des adultes qui refusent de voir. L’horreur n’est pas tant ce qui surgit du caniveau mais également ce qui couve sous le vernis des conventions sociales.

Stephen King, des pages à l’écran
« Je suis ravi que l’histoire de Derry, la ville la plus hantée du Maine, se poursuive, et je suis heureux qu’Andy Muschietti supervise les festivités effrayantes, avec un groupe de réflexion comprenant sa talentueuse sœur, Barbara. Ballons rouges partout ! » – Stephen King
Publié en 1986, le roman Ça est souvent considéré comme l’une des pierres angulaires de l’univers King. Récit-fleuve d’amitié et de terreur, il mêle initiatique romaine et mythologie cosmique. Les films d’Andrés Muschietti (2017 et 2019) en avaient proposé une réinvention spectaculaire, définissant Pennywise comme une icône moderne de l’horreur. Avec Ça – Bienvenue à Derry, Stephen King retrouve une fidélité d’âme rare. En effet, la série, supervisée en partie avec son accord, n’adapte pas mais prolonge, en s’attachant à l’esprit du livre. Ainsi qu’à cette fascination pour la peur qui unit et détruit.
Ça – Bienvenue à Derry est disponible sur HBO Max à partir du 27 octobre 2025
Avis
En se penchant sur l’origine du mal plutôt que sur ses conséquences, Ça - Bienvenue à Derry réussit à se distinguer du simple produit dérivé. C’est un conte macabre sur la mémoire, la peur et la transmission. Bill Skarsgård hypnotise encore, la mise en scène fascine par sa maîtrise de l’angoisse poétique. On en ressort avec cette impression délicieuse et dérangeante que Derry ne s’éteindra jamais, parce qu’elle existe en chacun : là où nos peurs d’enfants se sont endormies.

