Remarqué à Sundance, Blindspotting pourrait bien créer la surprise dans nos salles. Ça serait amplement mérité.
Pour être honnêtes, au début nous nous attendions à pas grand chose de la part de Blindspotting, notamment parce qu’un discours autour de la violence policière envers la population afro-américaine peut vite devenir piégeux. Sauf qu’on s’est pris une bonne claque et qu’on va désormais tendre l’autre joue bien volontiers.
Réalisé par Carlos Lopez Estrada, dont c’est le premier long, et scénarisé par deux amis d’enfance qui jouent également le duo principal, Daveed Diggs et Rafael Casal, le film respire la sincérité et la simplicité. Aucun pathos appuyé, aucun académisme, il n’y a aucune volonté de « bien faire » – cinématographiquement, les défauts sont là -, mais juste de faire avec le cœur et là-dessus, ça n’en manque pas.
Blindspotting n’a pas d’angle mort
Nos scénaristes-acteurs ne cherchent pas tant à faire parler les larmes que le mal-être. Celui qui nous prend quand la gentrification bouleverse notre quotidien ; celui qui nous met au sol quand la couleur de peau devient un problème ; celui qui pourrait même briser une amitié jugée indéfectible. Collin et Miles ne sont pas des contestataires, juste deux mecs paumés voulant survivre face au changement, face au racisme, face à eux-mêmes. Entre deux slams, il y a cette rage, cette émotion à fleur de peau qui habite ces hommes perdus dans leur propre ville, en quête d’une place dans ce monde, d’une identité. À l’image du titre du film (qui signifie « angle mort »), ils ouvrent enfin les yeux et rien n’est plus douloureux que la vérité.
La forme se montre aussi évocatrice que le fond et Estrada nous livre une mise en scène flashy, rythmé, presque en décalage avec les propos, mais qui finalement en dit tout autant. En servant de l’humour des personnages pour souligner l’absurde des situations, le réalisateur nous offre une certaine légèreté avant de nous asséner un coup de poing au détour d’un plan qui nous retourne l’estomac. D’un naturel désarmant et d’une justesse exemplaire, on assiste à une œuvre d’une puissance brutale. Blindspotting n’a rien d’un chef-d’œuvre, mais c’est un vrai choc.