Berlin Berlin est une comédie complètement folle et réussie qui nous emmène à l’Est du mur à la fin des années 80.
Berlin Berlin est une comédie à savourer sans hésitation si vous voulez passer un très bon moment de rire et de détente… en Allemagne de l’Est ! Mais pas pour longtemps. Car depuis la construction du mur, Emma et Ludwig n’ont qu’une obsession : fuir à l’Ouest. Et pour cela, ils sont prêts à prendre des risques…
C’est ainsi qu’Emma se fait engager comme aide-soignante chez Werner Hofmann pour s’occuper de sa vieille mère sénile, et surtout pour accéder au passage secret qui se trouve dans l’appartement et qui mène directement à l’Ouest. Mais – et bien que la déco donne quelques indices ! – elle est loin de se douter qu’elle se trouve chez un agent de la Stasi – la police secrète de l’Allemagne de l’Est ! Et encore moins qu’il va tomber fou amoureux d’elle ! Les ennuis ne font alors que commencer…
Du bon Boulevard qui fait plaisir !
Si vous avez l’habitude de nous lire, vous devez savoir que nous avons plutôt tendance à éviter les comédies de Boulevard avec les grosses ficelles, les personnages caricaturaux et les portes qui passent leur temps à claquer. Non pas qu’elles ne méritent pas leur public, simplement nous y sommes peu sensibles et préférons passer notre tour. Sauf quand c’est bien fait !
Et voilà qui tombe bien ! Car l’auteur de Thé à la menthe ou thé citron et Silence on tourne nous offre une pièce qui mêle habilement grosses ficelles et burlesque, caricature et finesse de jeu, et tout ça sans trop faire claquer les portes ! Bref, on adore.
Une mise en scène dynamique
C’est par la fenêtre que nous entrons dans cet appartement à la décoration vieillotte, grâce à la mise en scène aux effets visuels 3D très réussis de José Paul. Et c’est dans le salon – dans lequel trône une grande affiche de propagande – que va se dérouler la première partie de la pièce, au rythme d’allées et venues qui ne vont pas tarder à susciter quelques rebondissements !
Werner Hofmann fait connaissance avec Emma, qu’il ne tarde pas à draguer très lourdement. Pendant ce temps-là, sa vieille mère se fait régulièrement entendre depuis sa chambre qu’elle ne quitte jamais. « Si elle se réveille la nuit, il faut lui chanter Kalinka (ndlr le célèbre chant traditionnel russe) » prévient Werner ! Si le ton n’avait pas suffisamment été donné, au moins c’est fait !
Et après un petit interlude musical en allemand, changement de décor. C’est dans les bureaux de la Stasi que nous emmène le second acte, où d’autres rebondissements nous attendent.
Un casting efficace
Les deux personnages masculins principaux sont particulièrement jubilatoires et nous captivent tout au long de l’histoire. Maxime d’Aboville – également à l’affiche de Huis-clos actuellement – est excellent. On savoure l’exubérance et le phrasé maniéré de cet agent de la Stasi qui voue une adoration à Staline mais qui est totalement soumis à deux femmes au tempérament autoritaire : sa mère et son épouse – cette-dernière interprétée avec brio par Marie Lanchas.
Patrick Haudecœur quant à lui nous amuse dans le rôle de Ludwig – le François Pignon de la pièce – ! Avec son air benêt et ses mimiques tordantes, son personnage tranche nettement avec l’élégance et le tempérament volontaire de sa femme, incarnée avec aplomb par Anne Charrier. Et que dire de son interprétation… disons très personnelle du « Goujon » de Schubert !
Seul le personnage de Hanz, interprété par Loïc Legendre, nous a semblé un peu moins pertinent. Non seulement il débarque souvent de manière trop improbable – comme lorsqu’il apparaît derrière la fenêtre du bureau de la Stasi – mais sa présence dans la deuxième partie de la pièce devient totalement obsolète.
De la légèreté avant tout
On passe donc un très bon moment avec ces comédiens plein de fantaisie qui nous embarquent à leurs côtés dans une histoire aussi dynamique qu’invraisemblable. Car, disons-le, le scénario ne tient pas vraiment la route et de nombreuses situations manquent de crédibilité. Un coup sur la tête et l’agent de la Stasi est assommé pendant 15 minutes ; un personnage un peu niais qui parvient à se faire passer pour le plus grand spécialiste du décodage jusque dans les locaux de la Stasi…
Mais ce qui aurait pu apparaître comme du mauvais goût ou une faiblesse dans le scénario fonctionne ici à merveille ! Car la dimension burlesque est parfaitement et intelligemment assumée, de sorte que l’invraisemblance de l’histoire n’est absolument pas gênante. Et le jeu des comédiens et comédiennes n’y est clairement pas pour rien. Car là encore, leurs excès sont interprétés avec suffisamment de justesse pour que l’on ne s’en lasse pas et même que l’on s’attache à eux.
En plus de ne pas s’ennuyer, on rit donc beaucoup tout au long de ce Berlin Berlin où le comique de répétition réussit son effet à tous les coups. Une pièce qui fait beaucoup de bien !
Berlin Berlin, de Patrick Haudecœur et Gérald Sibleyras, mise en scène José Paul, avec Anne Charrier, Maxime d’Aboville, Patrick Haudecœur, Loïc Legendre, Guilhem Pellegrin, Marie Lanchas, Claude Guyonnet, Gino Lazzerini, se joue jusqu’au 31 mai 2022, du mardi au vendredi à 21h, le samedi à 16h30 et 21h, le dimanche à 16h, au Théâtre Fontaine.
Avis
8.0Divertissant
Cette pièce a trouvé le dosage parfait pour nous faire rire de situations et de personnages tout en excès, sans que cela ne tombe dans la parodie ou le grossier. On se laisse porter, surprendre, et finalement séduire.