Sorte de revival animé de la meilleure série animée sur le Chevalier Noir, cette première saison de Batman : The Caped Crusader parvient efficacement à rendre hommage au Batman TAS incontournable, tout en développant intelligemment son univers et son ton plus adulte. Juste génial.
De retour à Gotham City depuis quelques mois, Bruce Wayne commence à enfiler le costume de Batman pour contrer les plans des mafieux et des vilains qui terrorisent la ville. Le pitch est simple : il s’agira pour ce nouveau portage du Dark Knight sur petit écran de refaire ses armes une nouvelle fois, pour notre plus grand plaisir. Ce Batman The Caped Crusader, tout juste diffusé sur Amazon Prime, vient nous donner la claque nostalgique qui nous manquait, tout en assumant son émancipation de la cible enfantine à laquelle son illustre grande sœur était autrefois destinée. C’est sombre, c’est violent, c’est bien, c’est Batman.
Développée par Bruce Timm, déjà à l’origine du banger intemporel qu’était Batman The Animated Serie (sortie en 1992 et toujours meilleure adaptation du personnage, si si), cette nouvelle mouture de 2024 recense toute la patte stylistique du maître de l’animation (si on fait exception de la triste adaptation de The Killing Joke) tout en permettant à la plume de Ed Brubaker d’axer la narration de ce Caped Crusader vers le policier hard boiled. Une masterclass ni plus ni moins, même si certains changements, indispensables dès lors qu’un revival ou une réinterprétation est mise en place, laissent parfois dubitatifs, mais c’est pour chipoter.
Dark, Dark Knight
Déjà, force est de constater que le show est un petit bijou visuel. L’esthétisme des films noirs des années 40, cher à Bruce Timm, est ici parfaitement représenté pour parfaire le pont entre les deux séries, l’ancienne et la nouvelle. En optant pour la continuité de cette peinture historique où l’on a l’impression d’évoluer dans un polar en noir et blanc avec Humphrey Bogart, cette direction granuleuse et aux personnages anguleux apporte beaucoup à ce Caped Crusader qui oscille donc entre nostalgie graphique et références appuyées tant aux icones pop de son époque chérie qu’à l’âge d’or -Golden Age pour les copains anglophones- des comics (dont les oreilles de Bats ou le costume de Catwoman en sont une représentation parfaite). Avec une image lorgnant vers l’expressionnisme allemand avec des contrastes appuyés et des saturations presque inexistantes, des jeux d’ombres magnifiques et une iconographie analogique, pas de doute, on retrouve avec extase ce qu’on attendait.
Pour dissiper toute question, qui dit nouveau show, dit nouveau générique, mais toujours dans ce souci de rendre hommage sans marcher sur les plates-bandes de la série originelle. Loin d’une tentative de singer l’intro iconique, ce nouvel opening permet d’asseoir l’aspect sombre de l’animé en proposant des images au grain palpable dans ce qui semble presque être des images d’archives exhibées des tabloïds à la fin des 50’s. C’est délicat, maîtrisé et surtout, ça montre bien que ce nouveau Batman embrasse son aspect policier en délaissant l’humour et les quelques moments moralisateurs que l’on retrouvait dans TAS.
Ici le Caped Crusader est un enquêteur, qui gratte le bitume dans une Gotham intemporelle (même si datée), en proie à ses démons intérieurs et aux ennemis plus barjos les uns que les autres. Le show excelle dans son approche adulte de cette nouvelle mouture super-héroïque en s’entourant de gros noms à la production et à l’écriture. Matt Reeves arrive aux côtés de J.J. Abrams pour proposer une mythologie plus sombre tandis que Ed Brubaker signe la quasi-totalité de l’écriture de ces 10 épisodes en mettant ainsi le Chevalier Noir dans un monde corrompu où règnent en maître les maffieux et les ripoux. Des enquêtes psychologiques, oppressantes d’où surgissent ici et là quelques aspirations fantastiques un peu gothiques et qui, si elles n’en demeurent pas moins passionnantes, agissent un peu comme des écueils dans ce magnifique écrin hard boiled.
Gotham Central
Toujours aussi bien novatrice que référencée, ce Caped Crusader s’inspire autant de TAS, non pas pour la supplanter mais pour lui faire hommage en marchant respectueusement dans ses pas, que les comics incontournables du personnage. Entre son arrivée à Gotham et son « amitié » naissante entre lui et le commissaire Gordon tout en s’attaquant à la pègre de la ville (où Falcone est remplacé ici par Thorne), l’allégeance à Année Un de Frank Miller est indéniable. L’aspect feuilletonnant du show (et presque bouclé comme TAS l’était) permet de suivre une trame globale sur la descente aux enfers de Harvey Dent tout en offrant au détective plusieurs enquêtes, comme dans l’inégalable Un Long Halloween ou les premiers numéros de Batman des années 40. Enfin, l’aspect psychologique d’un Bruce Wayne oscillant entre folie et répression de ses traumas fait forcément penser à Batman Ego, dont d’ailleurs s’était beaucoup inspiré un certain Matt Reeves justement pour… The Batman.
Un schéma logique, concocté par des amoureux de comics, pour les fans de comics. A ce titre, il convient également de saluer la prestation vocale des acteurs, notamment Hamish Linklater en Batman/Bruce Wayne et qui avait la lourde tâche de marcher dans les pas du regretté Kevin Conroy. On citera également le travail de Jason Watkins en Alfred, de Eric Morgan Stuart en Gordon (même si on aura bien aimé voir Jeffrey Wright reprendre son rôle) ou de jolis seconds rôles incarnés comme Minnie Driver qui joue une Oswalda Cobblepot (le Pingouin est ici féminisé mais un peu anecdotique), Christina Ricci en Catwoman (qu’on trouve un rien exaspérante) ou Toby Stephens en Gentleman Ghost. Bref que du bon.
Toujours sombre dans son traitement de l’image, même si on déplore une certaine rigidité dans l’animation, cette dimension asphyxiante trouve son paroxysme dans une narration policière bien noire, pour terminer de faire de ce jeune Dark Knight, un Caped Crusader aguerri ! Vite la suite !
Batman The Caped Crusader est disponible sur Prime Video depuis le 1er août.
Avis
Hommage vibrant à l'iconique Batman TAS des années 90, ce Caped Crusader trouve son identité en embrassant sa dimension adulte et son aspect policier pour une série animée référencée et parfaitement maîtrisée.