« Mon père était agriculteur et il en est mort » voilà comment résumer Au nom de la terre, le film d’Édouard Bergeon qui nous offre en récit l’histoire de son père paysan. Une oeuvre touchante, retraçant le combat d’une vie de dur labeur.
Si on peut reprocher au réalisateur son manque d’expérience et parfois son manque d’audace dans la mise en scène, nous nous retrouvons malgré tout embarqués au cœur du milieu agricole. Usant de paysages en plans larges et générales, Édouard Bergeon dépeint un monde rural en pleine mutation. Les séquences entières sur la moissonneuse-batteuse symbolisent la bascule vers ce monde moderne qui mise sur la rentabilité et le toujours plus. Pierre Jarjeau (Guillaume Canet) se retrouve contraint d’investir encore et encore, afin d’étendre son exploitation pour tenter de survivre. Contrairement à son père, ayant vécu en pleine époque des Trente Glorieuses, il ne suffit plus de travailler dur pour s’en sortir.
C’est cela que raconte réellement le long métrage : la déchéance d’un homme qui a voué sa vie à l’exploitation de son père, rêvant de la léguer à ses enfants, en vain. De ce point de vue, les deux premières scènes sont saisissantes. L’une montre – à l’aube des années 2000- un paysan au bord de la rupture, et l’autre – une vingtaine d’années plus tôt – un jeune plein d’espoir à l’idée de devenir agriculteur.
Dans son rôle, Guillaume Canet ne nous déçoit pas et livre une merveilleuse prestation, pleine de justesse qui témoigne de la descente aux enfers du personnage qu’il incarne.
Au nom de la vie
Mais l’acteur chevronné n’est pas le seul à nous combler. Une exploitation agricole et fermière correspond avant tout à une aventure familiale dans laquelle tout le monde met la main au blé (oui nous assumons ce détournement d’expression). Anthony Bajon, en jouant le réalisateur pendant son adolescence, est tout simplement bluffant ! Désemparé, il assiste à la dépression de son père et se retrouve impuissant lorsque ce dernier meurt dans ses bras. Une scène pas des plus faciles à interpréter et pourtant, certainement, la plus réussie. Le film est bouleversant de sincérité et évite ainsi le piège du drama.
On peut cependant reprocher à ce long métrage son manque de subtilité musicale. La bande originale cherche parfois trop à accentuer le pathos dramatique, en ayant recours à des musiques mal choisies et mal venues. On préfère largement lorsque le réalisateur opte pour la simplicité.
Attention tout de fois à ne pas tomber dans la facilité, puisque l’écriture manque d’un soupçon de complexité et nous propose une fin trop rapide qui devient alors inattendue. Un comble quand on connait la fin de l’histoire…
Néanmoins, Au nom de la terre reste un beau film ayant le mérite de dénoncer ce chiffre : « un agriculteur se suicide tous les deux jours en France » et de le rendre humainement concret. De quoi nous bousculer à la sortie de la salle de cinéma.