Au-Dedans est un roman graphique émouvant qui raconte l’éveil au monde d’un jeune homme de notre époque, renfermé sur lui-même.
Il y a quelques jours, Au-Dedans a remporté le Prix BD Fnac France Inter 2025. Un prix attribué par des journalistes et libraires parmi 5 bandes dessinées finalistes préalablement sélectionnées par un jury grand public sur un total de 20 albums coups de cœur de l’année 2024 des libraires Fnac. Alors, qu’avons-nous pensé de ce livre qui a remporté l’adhésion des libraires, des journalistes et des lecteurs ? On vous dit ça…
Une quête introspective
S’il n’en est pas à son premier coup de crayon, on peut dire que Will McPhail commence fort dans l’univers du roman graphique ! Il s’agit en effet du premier ouvrage de ce dessinateur aguerri du magazine New Yorker dont il contribue chaque semaine à embellir les pages. Il nous emmène ici dans le quotidien de Nick, un jeune citadin lui aussi illustrateur, et au sentiment de solitude auquel il va soudain faire face.
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C’est sur le ton de la confidence que commence cet album. Dès les premières bulles se dégagent une forme de simplicité et une sincérité qui nous donnent envie de faire un bout de chemin avec Nick dont la vie se partage entre son travail au sein d’une agence de publicité, des projets personnels et des moments passés au café ou à chercher « un bar triste » où jouer le mec triste. Et ça tombe bien, car ce sont 271 pages qui nous attendent !
Un récit universel
Malgré tout, l’ensemble se lit assez vite puisque le texte tend à se faire rare, voire à s’effacer, devant les illustrations qui nous donnent aussi bien à découvrir le quotidien de Nick qu’à pénétrer son imaginaire, ses pensées, le monde mouvementé de ses émotions ; à explorer le manque qui jaillit une fois que survient la prise de conscience d’interactions non abouties avec le monde qui l’entoure ; à découvrir ce qu’il se passe « au-dedans »…
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Pourquoi ces conversations de politesse vides de sens avec celles et ceux que l’on croise et qui resteront des inconnus ? Ces gouffres que l’on creuse à coup d’interactions superficielles qui nous rendent inaccessibles les uns aux autres ? Pourquoi tant de difficulté à ouvrir notre cœur à ceux que l’on aime ? Nick sent bien que c’est ce qu’il manque à sa vie, du sens dans les rencontres, de la profondeur dans les échanges, la rencontre de mondes intimes au-delà des rôles que nous jouons et qui, la plupart du temps, ne font que se croiser. Des besoins qui prennent pourtant l’apparence de montagnes à gravir, de défis à relever, d’angoisses auxquelles se confronter.
Au-dedans, ou l’art de dire des choses profondes avec simplicité
Si la majeure partie de l’album est en noir et blanc, les illustrations qui nous plongent « au-dedans » sont quant à elles en couleurs. Un choix très habile qui facilite amplement la compréhension. Quelques-une de ces planches qui s’attardent sur son monde intérieur nous ont toutefois un peu perdus dans leur symbolique. Quant au graphisme en lui-même, si la variété dans la mise en page rend la lecture ludique, nous avons toutefois eu du mal à nous attacher à ces personnages dont les regards évoluent peu avec leurs grands yeux ronds qui semblent sans cesse effrayés.
« C’est tout ce qui n’était pas encore arrivé que je regrette. J’ai perdu tout ce que je ne savais pas encore d’elle. »
Ce que nous avons davantage apprécié en revanche ce sont les messages, parfois drôles, parfois cyniques, parfois touchants, qui apparaissent à travers les noms des enseignes des cafés dans lesquels se rend Nick. À travers un dessin épuré, l’auteur se concentre sur l’essentiel. L’intensité émotionnelle de l’ouvrage va crescendo et installe peu à peu une atmosphère mélancolique où amour, regrets et prise de conscience s’entremêlent pour s’adresser directement à notre cœur. Voilà une œuvre d’une grande richesse, qui demande probablement d’être relue et digérée pour être pleinement appréciée à sa juste valeur.
Au-dedans, de Will McPhail, traduit par Basile Béguerie, est paru le 18 janvier aux Éditions 404.
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Avis
Le dessinateur de presse américain Will McPhail questionne avec un regard curieux le rapport à l'autre et la solitude moderne qui se cache derrière nos difficultés à communique, à nous rencontrer. Une exploration sincère, empathique et touchante d'un quotidien dans lequel l'amour ne manquera pas de prendre sa place.