Récompensé du Grand Prix au Festival de Cannes 2024, All we Imagine as Light signe le renouveau du cinéma indien en compétition officielle – longtemps boudé par les festivals occidentaux, malgré la richesse de sa production cinématographique.
All we Imagine as Light dépeint une phase clef de la vie de trois femmes, infirmières dans un hôpital de la mégalopole tentaculaire de Bombay. Bien que très différentes, elles sont toutes liées par leur désir d’émancipation. Prabha n’a plus de nouvelles de son mari, disparu en Allemagne. Anu, quant à elle, se heurte aux tensions religieuses de son pays, amoureuse d’un homme musulman alors qu’elle est hindoue. Parvaty, enfin, se bat contre des promoteurs immobiliers menaçant de l’expulser de son foyer. Ces récits individuels se fondent dans le tableau plus large d’une société indienne en plein bouleversement, où les traditions se heurtent aux aspirations modernes.
La cinéaste indienne Payal Kapadia réussit par la simple réunion des histoires à décrire un instant T de la société indienne faisant face à des mutations violentes.
Définition de la finesse
Si on ne devait retenir qu’un élément fondamental d’All We Imagine as Light, c’est la capacité de la réalisatrice à imprégner son récit d’une finesse remarquable. Ses personnages, à la fois fragiles et résilients, nous embarquent dans leur quotidien, ponctué de douleurs et de moments de grâce. Leurs émotions sont filmées avec une délicatesse infinie, et chaque scène, imprégnée d’une empathie palpable, nous fait ressentir le poids de leurs épreuves.
Les performances des trois actrices sont d’une grande justesse, chacune apportant une profondeur émotionnelle qui renforce l’impact du récit. Ensemble, elles forment un trio puissant, leur complicité magnifiée par la caméra de Kapadia, qui capte avec une attention minutieuse leurs gestes, leurs silences, et les non-dits, aussi éloquents que les dialogues.
Mise en scène sobre et incarnée
Payal Kapadia, dont c’est la première œuvre de fiction après un passage par le documentaire (A Night of Knowing Nothing), se distingue ici par une mise en scène sobre et réaliste, plongeant le spectateur dans la densité urbaine de Bombay. Le travail sur la lumière, principalement naturelle, et la caméra quasi-invisible, donnent une authenticité brute aux scènes, notamment lors des scènes urbaines, mais aussi dans la seconde partie du film où les protagonistes quittent la ville pour un séjour introspectif à la campagne. Cette pause rurale permet de renforcer les émotions sous-jacentes du film : face à l’agitation de la mégalopole, ces moments de silence offrent aux personnages l’espace nécessaire pour traiter leurs dilemmes personnels.
En définitive, le film mérite amplement son Grand Prix, non seulement pour la beauté de sa mise en scène, mais pour son portrait nuancé et poétique d’une société en pleine mutation. All We Imagine as Light n’est pas seulement une œuvre cinématographique ; c’est une invitation à réfléchir et à ressentir un état de la société indienne contemporaine.
All we Imagine as Light sort le 2 octobre 2024 au cinéma en France. Retrouvez toutes nos critiques du Festival de Cannes 2024 ici.
Avis
Plein d'empathie pour ses personnages et d'une délicatesse infinie dans son fond et sa forme, All We Imagine As Light est une belle œuvre de cinéma, symbole d'un cinéma indépendant indien d'une grande richesse, loin des stéréotypes des grosses productions bollywoodiennes.